1306 - 1305 L'Afrique sous la menace des politiques du G8 inspirées par les grandes sociétés

© The Guardian

 

L’agriculture africaine et les fermes familiales sont sous la menace des initiatives de l’hémisphère Nord : les récentes propositions du G8[1] à savoir  « L’initiative pour la transparence foncière » et  « la nouvelle alliance concernant la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique’ » font craindre une augmentation des accaparements des terres sur le continent africain. Une coalition de sociétés civiles en Afrique a manifesté son opposition contre ‘’la nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique’’ et a dénoncé  les initiatives du G8 ‘’comme une nouvelle colonisation’’[2]. Essayons de voir plus clair dans ces initiatives du G8.

 

 

Le G8 prépare actuellement son prochain sommet de Juin 2013 en Grande Bretagne, et s’apprête à lancer son «L’initiative pour la transparence foncière ». Le G8 estime qu’on arrivera à la transparence grâce à ‘’ un partage  volontaire d’informations’’ sur les acquisitions de terres à large échelle par des investisseurs, la société civile, le G8 et les pays invités. Cependant, la simple diffusion d’information, sans accorder des conséquences légales à des violations possibles des lois nationales et internationales ne changera pas la nature perverse de ces transactions foncières. En plus,  il est peu probable que le caractère volontaire de l’initiative produise des effets parce les accapareurs des terres ne reconnaîtront pas volontairement qu’ils violent des droits humains comme le déplacement forcé des populations, la désappropriation des communautés locales,  le manque d’information et de participation des communautés locales, et aussi la privation d’accès des communautés locales à la terre, à l’eau et à d’autres ressources. En outre, plusieurs organisations internationales [3]ont déjà développé des directives volontaires en matière des investissements responsables, y compris les questions de transparence, comme les ‘’Directives volontaires de la FAO’’[4]. Elles souffrent toutes de la même carence, c'est-à-dire, le manque de législation contraignante pour leur implémentation. Reste à savoir si le G8 va réellement passer à l’implémentation de cette initiative et à obliger les accapareurs de terres à révéler de l’information sur leurs transactions foncières agricoles et, plus important, si il arrivera à tenir les accapareurs de terres responsables des dommages infligés aux populations locales.

 

 

L’autre initiative ‘’La nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique’’ est basée sur un partenariat public et privé et est une initiative dirigée par les multinationales. Les investissements agricoles de cette initiative favoriseraient trop les compagnies étrangères au détriment des exploitations familiales africaines. L’objectif principal est de soumettre l’agriculture africaine aux intérêts des entreprises multinationales en augmentant les investissements des sociétés dans les terres et intrants agricoles, à travers des mises en œuvre de programmes en Afrique, les fameux ‘cadres de coopération’ (au total dans six pays: Burkina Faso, Éthiopie, Ghana, Côte d’Ivoire, Mozambique et Tanzanie). Ces cadres de coopération devraient appliquer les lignes de conduite de la FAO afin de réduire les effets négatifs de ces investissements sur les populations locales. Cependant ces cadres de coopération se contentent d’approuver en paroles les Directives de la FAO, en s’appuyant sur le passage suivant : « Le G8, les gouvernements des pays d’accueil et le secteur privé confirme leur intention de prendre en compte les Directives de la FAO ». Tous ces cadres de coopération visent à promouvoir les investissements privés en facilitant l’accès à la terre. Par conséquent, il sera plus facile pour les compagnies internationales d’identifier, de négocier et d’acquérir des terres, tout en augmentant le risque d’accaparement des terres en Afrique.[5]

 

 

Par exemple, les cadres de coopération pour le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire visent à inciter les investissements privés étrangers dans la terre grâce à la mise en œuvre de lois fonciers de modèle occidental. De la même façon le Mozambique s’est engagé dans une réforme très controversée des droits d’usage de la terre. L’Éthiopie a établi unguichet unique en vue de faciliter toutes les démarches de l’investissement et de l’accès à la terre pour tous les investisseurs. Le Ghana développe une banque des terres valables et la Tanzanie établit un cadastre des terres en vue de créer un système formel de titres de propriété[6]. Toutes ces mesures fourniraient aux investisseurs étrangers des bases de données fondamentales et de services formels pour faciliter l’accaparement de terre et la spéculation sur celle-ci. Ces cadres de coopération visent à établir un système de titres de propriété formels dans les délais très courts ce qui rendra la prise en compte des droits coutumiers et des droits de la communauté des fermiers familiaux pratiquement impossible. En plus, ces cadres  de coopération envisagent d’adapter les lois concernant les semences  en fonction des intérêts des grandes multinationales et de mettre ainsi en péril la future production alimentaire locale par une mainmise sur l’approvisionnement en semences. Les fermiers familiaux vont ainsi perdre leurs terres au profit des investisseurs et spéculateurs étrangers ; la production de semences et de nourriture sera dominée par l’agro-alimentaire étranger dont les produits brevetés seront trop chers pour les petits fermiers qui risqueront ainsi la banqueroute. Les petits fermiers sont le pilier fondamental qui garantit la souveraineté alimentaire de l’Afrique ; ils devraient être épaulés et non pas exploités par l’accaparement de leurs terres par les grandes sociétés.

 

 

Avec ces nouvelles propositions les pays du G8 reviennent sur les engagements précédents envers les Directives FAO et l’obligation de respecter le droit des gens. « L’Initiative globale de transparence foncière » semble encourager l’inaction, puisque le G8 s’engage seulement « à un échange volontaire d’informations » par les acteurs d’accaparement de terres, alors qu’elle aurait pu exiger des pays membres de mettre en œuvre des dispositions de transparence pour les multinationales dans leur législation nationale. En outre, les pays membres du G8 profitent de leur position en tant que donateur pour faire pression sur les Gouvernements africains pour qu’ils adoptent des politiques favorables aux multinationales. En effet, le dernier train de mesures politiques  du G8 pour l’Afrique facilite l’accès aux terres agricoles pour les entreprises commerciales, augmentant ainsi l’accaparement des terres et mettant en péril la souveraineté alimentaire de l’Afrique.

 

 

Gino Brunswijck, Conseiller politique à AEFJN



[1] Les pays du G8s sont le Royaume Uni, la France, l’Allemagne, l’Italie, les États-Unis, le Canada, le Japon et la Russie.

[2] Déclaration des sociétés civiles africaines : http://www.acbio.org.za/activist/index.php?m=u&f=dsp&petitionlD=3

[3] La Banque mondiale, l’OCDE et la FAO ont, toutes, élaboré un code de conduite concernant les investissements responsables dans l’agriculture.

[4] Les orientations les plus détaillées sont celles de la FAO « Les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale»

[5] GRAIN, ‘’The  G8 et l’accaparement des terres » », Mars 2013, consulté sur http://www.grain.org/article/entries/4663-the-g8-ans-land-grabs-in-africa

[6] Vous pouvez consulter tous les cadres de coopération sur http://feedthefuture.gov/article/unga2012

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