Nouvelles - Accaparement des terres / Agrocarburants – avril-mai 2014

Le classement «Doing Business» de la Banque mondiale et de l'agriculture africaine

 

Dans les années 1980, la Banque mondiale (BM) imposa des mesures de libéralisation sur les pays en voie de développement à travers ses programmes d'ajustement structurel (PAS). Afin de recevoir des prêts conditionnels les pays en voie de développement à court d'argent ont été obligés, entre autres, à ouvrir leurs économies aux investisseurs étrangers, à lever des restrictions à l'importation et à l'exportation et ils ont été encouragés à exporter leurs marchandises (matières premières) pour stimuler la croissance économique. Ces programmes ont été retirés en 2002 après de fortes critiques de la société civile et le monde académique. Le classement «Doing Business» (DB) de la Banque mondiale est basé sur la même philosophie économique que les PAS, tout en mettant l'accent sur la libéralisation et les investissements directs étrangers comme moteur de la croissance économique.

 


Le classement « Doing Business » note les pays selon leurs mérites en matière d’amélioration du «climat des affaires», en d'autres termes, dans quelle mesure les lois nationales sont favorables aux entreprises privées. Ce classement a des implications importantes pour l'investissement privé dans un pays, car il est utilisé comme référence par des investisseurs privés et influence aussi les décisions de financement des bailleurs de fonds. Le classement DB a encouragé de nombreux pays en voie de développement à déréguler leurs économies et à réduire les garanties sociales et environnementales des investissements afin d'améliorer leur position dans le classement. Le classement DB comprend des indicateurs tels que «paiements des impôts»[1]; et «commerce transfrontalier»[2] et «transfert de propriété»[3] pour n'en nommer que quelques-uns. Ces indicateurs donnent les meilleurs scores aux gouvernements qui allègent le plus la charge réglementaire pour les investisseurs. Cela motive les gouvernements à appliquer les réformes suggérées par la Banque mondiale, telles que la diminution du nombre des règlements, la réduction des taxes à l’exportation et des impôts sur les sociétés (une source importante de revenus pour les pays en voie de développement) afin d'attirer des capitaux et des investisseurs étrangers.

 


Bien que le classement ne soit pas spécifiquement axé sur l’agriculture, il a un impact sur l’élaboration des politiques agricoles des pays, car le classement favorise le modèle de l’agriculture intensive. Cette préférence pour l’agriculture intensive est apparente dans les Plans d'Action pour l'Agriculture de la Banque mondiale, qui «constituent un puissant plaidoyer pour les réformes foncières et l’adoption généralisée des techniques de l’agriculture industrielle»[4]. Cela ne tient pas la route avec la réalité africaine. Tout d'abord, les paysan-ne-s (exploitations familiales) sont les principaux producteurs d'aliments dans de nombreux pays africains. La promotion de l'agriculture à grande échelle réduira directement leur accès à la terre et les ressources tout en mettant en danger leur survie et risquant l’augmentation de la pauvreté et la faim sur le continent. Les exploitations familiales ont la capacité d'améliorer la sécurité alimentaire par des techniques agricoles durables; ils ont besoin de soutien et d'accompagnement plutôt que l’empiétement sur leurs terres par des entreprises établissant des grandes plantations. Deuxièmement, la logique de la Banque mondiale en ce qui concerne les réformes agraires ne tient pas compte des systèmes fonciers coutumiers existants en Afrique et non plus de la complexité et la longueur d'une réforme agraire. La réforme agraire promue par le BM encourage les gouvernements à vendre et à louer des grandes surfaces de terrains aux entreprises privées (étrangères). Le résultat pour la population locale a été désastreux. Ces réformes, ont conduit à la perte de 20 % des terres arables détenues par les communautés locales en Sierra Leone, qui ont été attribuées aux producteurs étrangers de l’huile de palme et du sucre de canne. De même, au Libéria des multinationales produisant de l’huile de palme ont acquis environ 607,000 ha de terres agricoles précédemment détenues par la population locale.

 

 

Pour plus d'informations consulter le rapport de l'Institut Oakland ici et la déclaration commune souscrite par AEFJN ici

 

Page officielle de la Banque mondiale des Classements « Doing Business » ici

 



[1] Le pays avec la charge fiscale la plus faible pour les entreprises obtient le meilleur score.

[2]   Cet indicateur mesure la facilitation des échanges internationaux dans un pays donné, le pays avec le moins de restrictions à l’exportation et à l'importation obtient le meilleur score.

[3] Le pays avec le moins de procédures et les procédures les plus courtes obtient le score le plus élevé.

[4] Mentionné au rapport du Oakland Institute, 2014, «Aveuglement volontaire: Comment les classements « Doing Business » de la Banque mondiale appauvrissent les paysan-ne-s".  

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