110325 Letter to EU commissionner of Development
We sent a letter to Mr Peibalgs, EU commissionner of Development & cooperation to explain the economic & social impacts of EU Biofuels investments in arge scale land in Africa. We also asked him some requests.
To read the letter (in French) and to read the list of EU biofuels companies and their impacts in africa (English):
Bruxelles, mars 2011.
Concerne : - entreprises de l’UE impliquées dans l’acquisition de grandes étendues de terre en Afrique
- sollicitation d’une rencontre
Mr Andris PIEBALGS
Commissionnaire - DG DEVCO
Commission Européenne
Mr Andris PIEBALGS,
Lors de la réunion ECD 2020 “ Post Lisbonne: Comment assurer la cohérence entre la sécurité énergétique et les politiques de développement ” du 9 février 2011, en répondant à une question sur la cohérence des politiques de l’UE par rapport à l’acquisition des terres par des compagnies européennes pour la production des biocarburants, vous nous avez proposé de vous envoyer des informations si nous avions des preuves que ces compagnies nuisent aux intérêts de la population locale.
En réponse à votre demande voici une liste d’entreprises européennes qui ont investi dans de grandes étendues de terre en Afrique pour produire des agrocarburants destinés à l’UE.
Pour approfondir quelques aspects, nous sollicitons une rencontre avec la DG DEVCO.
Cette liste n’est pas exhaustive mais elle donne une idée des impacts que ces entreprises européennes ont sur la société, l’économie et l’environnement dans diverses régions du continent africain.
Les compagnies européennes qui investissent dans la production d’agrocarburants en Afrique, prennent des terres qui sont en réalité utilisées par les populations locales pour leurs activités économico-sociales, voire pour leur survie en ce qui concerne les populations vulnérables. Et ce, quoique soit le nom attribué à ces terres : « marginales » ou « en friche », zone agricole ou forestière.
Lorsque les africains perdent leur terre, ils perdent leurs ressources : eau, zones de culture, de pâturage, de pêche, de chasse, de cueillette (plantes médicinales, noix, fruits et autres aliments), de collecte de miel, de ramassage de bois et de matériaux de base pour diverses activités. Lorsqu’ils sont déplacés, ils sont éloignés des services publiques: routes, eau, écoles, centres de santé, …
Lorsque la forêt est remplacée par des monocultures intensives, cela endommage gravement la faune, la flore, le cycle de l’eau et le cycle du carbone. Ces dommages à la biodiversité et à l’environnement sont souvent irréversibles. Ils affectent aussi le climat.
De surcroît, c’est dans un contexte d’inégalité des capacités à négocier le transfert d’usage des terres au détriment des locaux, voire de corruption des autorités, que les investisseurs ont acquis des terres fertiles et proches d’infrastructures de façon directe ou grâce à des intermédiaires[1],[2]. La plupart des promesses d’emploi, d’infrastructures et autre compensation ne sont pas tenues ou sont réalisées partiellement et dans un délai inacceptable.
Les lignes directrices de l'UE sur la politique foncière[3] (nov. 2004) sont insuffisantes pour empêcher les entreprises européennes de générer ces conséquences désastreuses en Afrique.
L’UE ne peut pas priver des milliers de citoyens africains de leurs ressources économiques et sociales pour une solution dite ‘transitoire vers les agrocarburants de seconde génération’.
C’est pourquoi AEFJN demande à vous, commissaire de la DG DEVCO, et votre équipe :
1. de garantir la cohérence entre les orientations de la DG Energie en matière d’agrocarburants et la politique de développement de l’UE pour être en accord avec le programme de travail en matière de cohérence des politiques en fondant les cadres politiques et juridiques sur le droit à l’alimentation (COM(2010)127final §2.2 [4] et §2.1 alinéa 3) .
Comme vous le déclariez à l’audition du 12 janvier 2010 à la Commission Environnement du Parlement Européen : "il serait faux de donner de l'argent d'une main et de le reprendre avec une autre politique." Or on observe que la DG Energie a promu un cadre politique qui a encouragé plusieurs compagnies européennes d’agrocarburants à investir en Afrique, privant de nombreux villageois de leurs ressources économiques foncières, hydriques, halieutiques et forestières, voire en déstructurant l’organisation sociale. Allant ainsi à l’encontre de la coopération au développement de l’UE qui annonce « [appuyer] les améliorations apportées aux régimes de gouvernance et de gestion des ressources foncières, halieutiques et forestières qui visent à combiner la viabilité environnementale et la biodiversité avec l’utilisation rentable[5] et la réduction de la pauvreté. »[6] Elle dit aussi « [privilégier] la lutte contre la pauvreté et la cohésion sociale » et favoriser « des systèmes de production durable» [7].
2. de contribuer activement au rapport requis par l’article 17§7 de la Directive 2009/28/CE [8] en analysant sur le terrain :
a. les denrées alimentaires vendues à un prix abordable sur le marché pour vérifier si elles sont produites dans la région et si elles contribuent au développement économique de la population ;
b. la perte de ressources en terre agricoles, en eau, en faune et flore nécessaires aux activités économiques locales et à la survie des populations vulnérables ;
c. la perte de revenus par les communautés locales ;
d. la nature et le délai d’attribution des compensations proposées par les compagnies ou leurs filiales et consignées dans les contrats;
e. l’évolution de l’accès et de la qualité de l’eau pour les communautés locales suite à l’implantation des cultures pour agrocarburants ;
f. le contenu et la réalisation des promesses d’emploi et d’infrastructures (éducation, santé) par les compagnies ou leurs filiales et consignées dans les contrats.
3. de porter une attention particulière au « respect des droits d’usage des sols » traité dans le rapport requis par l’article 17§7 de la Directive 2009/28/CE, en particulier l’information préalable et la consultation des populations locales, et sur la prise en compte par les compagnies ou leurs intermédiaires des capacités des communautés locales à négocier le transfert d’utilisation des terres et ce, pour garantir la mise en œuvre de la 1ère priorité de l’UE du cadre politique COM(2010)127 final;
4. de publier ce rapport dès janvier 2012[9] ;
5. de soutenir uniquement les projets de coopération qui garantissent que le partenaire privé européen endosse ses responsabilités sociales envers la population locale[10], qui sont en conformité avec les obligations des Etats européens concernant le droit à une nourriture suffisante (art. 11 du PIDESC ratifié par les 27 Etats membres), et qui respectent les directives 8B et 8C sur l’accès à la terre et l’eau (Lignes directrices volontaires de la FAO sur le droit à l'alimentation, adopté par l'UE en Novembre 2004) ;
6. de donner priorité au financement européen de projets qui, comme l’a demandé le Conseil de l’UE le 10 mai 2010, se focalisent sur[11] :
a. la garantie de l'accès à la terre pour la population rurale locale et la participation effective des petits agriculteurs et des organisations paysannes dans le développement et la mise en œuvre de politiques régionales et nationales inclusives et participatives agricoles, de développement rural, de sécurité alimentaire et de nutrition, à travers le CAADP, qui sont en accord avec les recommandations politiques des experts de l’IAASTD et les pratiques agricoles qu’ils préconisent ;
b. le « soutien aux petits agriculteurs, en particulier les femmes, qui sont durablement et écologiquement efficaces, le respect des diverses fonctions de l'agriculture et la promotion de l'égalité d'accès sécurisé aux actifs (en particulier la terre et l'eau) et les services» ;
c. la contribution à « l'intégration des objectifs et des cibles de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans les politiques sectorielles des pays partenaires dans des domaines tels que les transports, les infrastructures, l'agriculture, la foresterie, la pêche, l’eau et l’assainissement, l’énergie [dont les biofuels], le commerce, la santé et l’éducation » ;
7. de protéger les droits fonciers, de garantir l'accès à la propriété foncière et aux autres ressources naturelles pour les petits exploitants et les communautés pastorales et la gestion durable de ces ressources en soutenant des initiatives nationales et internationales en vue de la définition de principes et codes de conduite régissant les investissements nationaux et étrangers dans les terres agricoles [COM(2010)127final] qui sont en accord avec les recommandations des experts et auteurs du rapport de l’IAASTD et conformément à la demande du Conseil de l’UE le 10 mai 2010[12] .
AEFJN demande que la DG DEVCO prenne, dès aujourd’hui, ses responsabilités dans son champ d’action pour garantir le droit à l’alimentation et à l’accès à la terre des populations rurales et des petits agriculteurs africains. La gestion durable des ressources primaires d'Afrique est une priorité vitale pour les populations africaines qui, comme le conclut l’Union Africaine, « consolide et renforce la paix, la sécurité et la démocratie ». (Source : « Framework and Guidelines on Land Policy in Africa », septembre 2010)
Enfin, prenant en considération le fait que la CE doit remettre trois rapports d’évaluation des impacts des biocarburants, une Evaluation d’impact complétant le rapport remis le 22 décembre 2010 est attendue en juin 2011 (Directive 2009/28/CE, article 19) le deuxième est attendu en 2012 (article 17$7) et le troisième en 2014 (article 23), et que plusieurs Etat africains (Tanzanie, Rép. Dém. du Congo, Sud Soudan, etc.) ont besoin de délai pour mettre en place un ensemble cohérent de lois et d’instruments d’application en terme de politiques foncière, environnementale et énergétique qui soit capable de gérer les situations décrites plus haut, AEFJN insiste auprès du Commissaire, pour qu’il rappelle aux gouvernements européens la demande que ses membres ont formulée en octobre 2007 et qui trouve écho dans l’appel du rapporteur spécial à l’alimentation en 2007 (Mr Ziegler[13]) et dans l’Appel de l’Afrique à un moratoire sur les développements d’agrocarburants [14]signé par près de 50 organisations de la société civile en Afrique et ailleurs en 2007, à savoir : un moratoire de 5 ans sur l’importation des agrocarburants issus de monocultures intensives à grande échelle en Afrique et sur toute forme de soutien à de telles cultures pour la production d’agrocarburants de première et de seconde génération.
Le Réseau Afrique Europe Foi et Justice (AEFJN) est formé par 50 congrégations missionnaires et quelques 80.000 personnes présents dans tous les pays de l'Afrique et l'Europe, dont 15.000 vivent en Afrique et sont des acteurs du développement africain. AEFJN a 12 groupes nationaux en Europe. Pont entre l’Afrique et l’Europe, le Réseau AEFJN promeut l’équité et la justice économique dans les relations entre l’Europe et l’Afrique.
Nous nous tenons à votre disposition pour fixer une rencontre avec la DG DEVCO. Vous pouvez nous joindre par téléphone au : 02 234 68 12 ou par e-mail : begoinarra@aefjn.org
Dans l’attente d’une réponse favorable, nous vous prions d’agréer, Monsieur Piebalgs, nos meilleures salutations.
Signé : Begoña Iñarra Christine Fouarge
AEFJN Secrétaire Exécutive Policy Officer for Food Sovereignty
[1] IIED Report: “Land deals in Africa: What is in the contracts?” L. Cotula, février 2011.
[2] FIAN International Report: “Land grabbing in Kenya and Mozambique”, avril 2010.
[3] EU Land policy guidelines : Guidelines for support to land policy design and land policy reform processes in developing countries. (November 2004) Page 1 http://ec.europa.eu/development/icenter/repository/EU_Land_Guidelines_Final_12_2004_en.pdf
[4] COM(2010)127final = Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen « Un cadre stratégique de l’UE pour aider les pays en développement à relever les défis liés à la sécurité alimentaire » - SEC(2010)379
[5] AEFJN rappelle que l’ « utilisation rentable » de ces différentes ressources dans le respect du droit à l’alimentation n’est possible qu’avec des pratiques agricoles qui utilisent et gèrent l’ensemble des ressources naturelles de façon durable et adaptée à l’écosystème telles que le rapport IAASTD le recommande et telles que les pratiques agro-écologiques défendues par le rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation O. de Schutter dans le rapport A/HRC/16/49 à la Seizième session du Conseil des droits de l’homme du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation
[6] ‘Faire progresser l'agriculture africaine’ COM(2007) 440 final (24 juillet 2007) page 9
[7] id. page 12
[8] « rapport relatif à l’incidence de l’augmentation de la demande en biocarburants sur la viabilité sociale dans la Communauté et les pays tiers et à l’incidence de la politique communautaire en matière de biocarburants sur la disponibilité des denrées alimentaires à un prix abordable, en particulier pour les personnes vivant dans les pays en développement, et à d’autres questions générales liées au développement. Les rapports traitent du respect des droits d’usage des sols. » (Directive 2009/28/CE : Article 17 §7)
[9] AEFJN a déjà adressé cette demande à la DG Energie et au PE en mai 2008 et aux ministres européens en charge de ce dossier en juin 2008.
[10] Déclaration commune sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE) du 13 novembre 2010 par les gouvernements suédois et espagnols
[11] « Council conclusions on an EU policy framework to assist developing countries in addressing food security challenges”, 3011th FOREIGN AFFAIRS Council meeting - Brussels, 10 May 2010, §4
[12] Idem §4 alinéa 9
Some cases of EU companies involved in large piece of land acquisition for biofuels investment in African countries.
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