Conférence: Comment mettre fin aux minerais des conflits ?
- PROBLÉMATIQUE
Á l’Est de la R. D. Congo, le commerce illégal de minerais par des groupes armés rebelles contribue depuis plus de 15 ans à intensifier et prolonger les conflits. Mutilations, massacres, viols, esclavage et déplacements massifs sont autant de souffrances vécues par les populations locales, sous l’emprise de chefs de guerre locaux avides de profiter des bénéfices issus de la vente de ces ressources. Beaucoup d’autres pays vivent des situations analogues. Ces minerais sont utilisés entre autres pour les équipements médicaux, l’aéronautique, l’équipement électronique, l’automobile.
La proposition de la Commission européenne (mars 2014)
Le Commissaire belge au Commerce De Gucht propose un schéma d’auto-certification volontaire à 450 entreprises européennes dans le cadre de leurs importations de «minerais des conflits», à savoir l’or, l’étain, le tantale (coltan) et le tungstène. Ces entreprises, parmi lesquelles on compte aussi des fonderies, pourront s’insérer dans un parcours tout au long duquel elles devront faire preuve de «diligence raisonnable». Chaque État membre désignera une autorité nationale qui récoltera ces données et les transmettra à la Commission européenne. Cette dernière dressera ensuite une liste des importateurs respectant le schéma. La Commission européenne aura l’obligation de puiser dans cette liste quand elle fera des appels d’offres dans le cadre des marchés publics.
Mais en proposant un schéma d’auto-certification volontaire et en limitant la portée de la législation à seulement 450 entreprises importatrices de minerais bruts sur le marché européen, la Direction Générale du Commerce manque son objectif. L’impact sur le terrain et donc sur les populations affectées risque d’être minimal.
- PROJECTION D’UN EXTRAIT DU FILM «BLOOD IN THE MOBILE (SANG DANS LE PORTABLE) » DE FRANK POULSEN.
Le journaliste découvre qu’il est facile de détecter l’origine des minerais. Pourquoi les sociétés ne le font-elles pas ? Les dirigeants d’entreprises savent-ils que des vies sont en danger ? « Le problème est grave et nous nous en occupons »…
- DEBAT
Question à Mme Elena Peresso, qui travaille au cabinet de Karel De Gucht et représente celui-ci: que pensez-vous, à la CE, de l’argumentation de J&P ?
Mme Peressa explique comment la Direction générale du Commerce a élaboré sa proposition, notamment sous la pression de Justice et Paix. Elle évoque la loi Dodd-Frank de 2010 (Etats-Unis), qui exige la transparence concernant les matériaux conflictuels dans ou près de la République démocratique du Congo. En 2011, l’OCDE (Organisation de Coopération Économique et de Développement) a développé le Guide de la diligence raisonnable pour un approvisionnement responsable en minerais provenant de zones en conflits et à haut risque.
« Après une consultation publique de mars à juin 2013, nous avons ciblé 450 sociétés. Nous travaillons avec Mme Ashton dans le contexte d’une stratégie intégrante : marchés intérieurs, diplomatie, aide au développement. Il faut aussi des incitants pour encourager. La CE va publier chaque année la liste des responsables. Les 450 sociétés étaient déjà concernées par Dodd-Frank ou l’OCDE. Nous avons élargi l’action aux marchés publics : nous voulons obtenir que dans les critères d’offre, il y ait un approvisionnement contrôlé en étain, tungstène, tantale et or. Nous avons reconnu qu’il était important de confier la proposition au Parlement Européen et aux Etats membres. »
Mme Fiona Southward, de IPIS (Internatioanl Peace Information Service : service international d’information pour la paix)
La résolution de la CE est semblable à celle des Etats-Unis, mais elle ne concerne que les matières premières et elle n’est pas obligatoire.
Question aux trois parlementaires européens présents : Mme Maria Arena (groupe socialiste), M. Claude Rolin (parti populaire européen), M. Philippe Lamberts (Ecolo) : comment cette proposition est-elle acceptée au Parlement Européen ?
C’est un projet pilote du groupe socialiste. Il faut, non seulement éviter les conflits, mais réinvestir dans le pays d’origine. Nous déplorons le caractère volontaire. Il faut une cohérence des politiques de la CE, qui a besoin des voix de la société civile.
Nous avons trois instruments : légal (il faut obligations et sanctions ; nous pourrons faire des alliances entre partis), responsabilité sociale des entreprises, pression des consommateurs. L’Afrique doit pouvoir être autre chose qu’une réserve de minerais.
Les entreprises visent à maximiser leurs profits, elles ne suivent que des règles obligatoires. L’économie doit être au service de la société. Il est possible d’imposer des obligations, mais il y a un manque de volonté politique. L’Europe a une arme massive : son marché international. Elle devrait imposer des règles d’accès à ce marché en vue d’un progrès social.
Echange entre les auditeurs et les intervenants
Rôle des populations locales ? On devrait pouvoir parler de minerais de développement. En RDC, il faut mettre en place des projets concrets rentables pour ceux qui veulent quitter l’armée. Il faut assainir le libre marché. L’Europe doit exercer une pression non militaire, qui lui coûtera.
Tous ces discours demandent à être nuancés.
EN RESUME : L’initiative a le mérite d’exister. Il est souhaitable d’obliger les entreprises à la transparence.
Marie-Rose Lepers
AEFJN Belgique