Déclaration Union Africaine
Les ministres du commerce des pays membres de l'Union Africaine (UA) appellent les pays industrialisés à plus de flexibilité pour sortir le cycle de l'impasse.
Face à la volonté affichée par les membres de l'OMC de relancer le processus de négociation du cycle de Doha suspendu depuis le mois de juillet 2006, les ministres du commerce des Etats de l'Union africaine membres de l'OMC se sont retrouvés à Addis Abéba, du 16 au 17 janvier dernier, pour harmoniser leurs positions et appeler leurs partenaires à plus de responsabilité et de flexibilité.
Pour les pays
africains, cette troisième réunion extraordinaire était l'occasion de réévaluer
le processus de Doha en revisitant les positions et les demandes africaines,
les engagements des pays industrialisés ainsi que les postures et les enjeux
qui sont à la base de l'impasse actuelle.
La réunion qui a connu une participation significative de ministres a aussi
donné au Directeur général de l'OMC, Pascal Lamy, l'occasion de plaider pour un
système multilatéral fondé sur la solidarité et l'assistance aux pays pauvres.
Il a ainsi appelé les pays industrialisés à faire preuve de flexibilités pour
permettre l'aboutissement des négociations de Doha. " Le risque principal
pour les négociations, a - t-il indiqué, c'est que les grands pays perdent de
vue l'importance d'un système multilatéral commercial équitable pour les pays
les plus faibles et les plus pauvres de cette planète. " " Sur les
150 Etats membres de l'OMC, les trois quarts sont des pays petits ou des pays
très pauvres. Les grands peuvent peut-être se sortir d'un système où il y
aurait moins de multilatéral et plus de bilatéral parce qu'ils peuvent tordre
le bras, mais la grande majorité des pays de l'OMC ne peut pas faire du
bilatéral car c'est là où ils sont faibles. C'est très important ", a-t-il
ajouté. Évoquant la place de l'Afrique dans le système commercial multilatéral,
Lamy a affirmé que l'OMC est parmi les organisations internationales où le
poids de l'Afrique est le plus fort. Il a ainsi déclaré, péremptoire, que dans
ce cycle, l'Afrique a beaucoup à gagner et peu à payer.
Mais si les ministres africains partagent avec Lamy la conviction que le cycle
pourrait leur apporter un certain nombre d'avantages sur le plan commercial,
ceux-ci restent conditionnés par la volonté des pays riches de montrer plus de
flexibilité relativement à l'intransigeance de leurs positions en particulier
sur les questions agricoles. C'est d'ailleurs tout le sens de la déclaration de
Mukhisa Kituyi, Ministre du commerce du Kenya et actuel président en exercice
de la Conférence des ministres du Commerce de l'Union africaine (UA) : "
Nous apprécions les messages de bonne volonté envoyés par les principaux
acteurs au cours des derniers mois (...) De nouveaux signes d'engagement sont une
bonne chose, mais quand des signes sont incohérents, soit au niveau de leur
calendrier ou de leur substance, cela ne contribue pas à l'achèvement des
travaux en cours ", a-t-il déclaré. Une position renforcée par celle de
Madame Elisabeth Tankeu, commissaire au Commerce et à l'Industrie de l'UA, qui
affirme que les " les négociations de l'OMC sont actuellement à la croisée
des chemins. " Elle poursuit en affirmant que " les espoirs
importants suscités par l'adoption de la Déclaration de Doha ne se sont pas
matérialisés (...) Le centre d'intérêt des négociations est progressivement
passé des questions relatives au développement des pays pauvres à la poursuite
par les pays développés de leurs intérêts nationaux étroits ".
Dans la déclaration en 17 points adoptée à l'issue de la réunion, les ministres
africains ont réaffirmé que " le résultat des négociations doit garantir
une réduction effective et substantielle des subventions agricoles des pays
développés qui déséquilibrent le commerce ".Cette mesure doit être couplée
avec " une amélioration de l'accès aux marchés, et l'élimination de toute
forme de subvention à l'exportation ", ajoute le texte.Les ministres se
disent également fortement opposés à l'érosion de la dimension de développement
du round de Doha et à toute tentative de modifier le mandat existant, étant
donné la situation spéciale des pays africains et prenant en compte la
nécessité de parvenir à la réalisation des Objectifs de développement du
millénaire. " Nous sommes profondément opposés à l'atténuation de la
dimension de développement du cycle de Doha " ajoute la déclaration qui
demande en outre " une représentation juste et équilibrée de l'Afrique au
sein du secrétariat de l'OMC ".
Concernant le dossier coton, les ministres ont demandé " d'accélérer le
processus de consultations sur les approches et mécanismes qui permettraient de
traiter les pertes de revenus résultant de la baisse des cours du coton "
Accords de partenariat économique.
La réunion d'Addis Abeba a aussi été l'occasion d'aborder la question de
l'accord de partenariat économique (APE) actuellement en négociation entre
l'Union européenne et certaines communautés économiques régionales. L'APE fait
encore couler beaucoup d'encre et mobilise les énergies chez les africains.
Même si les négociations se poursuivent encore, de plus en plus de voix se sont
élevées pour dénoncer tant sa forme, son fond que ses objectifs et ses moyens
de promouvoir le développement et l'intégration du continent. De Kigali à Addis
Abeba, en passant par le Caire et Nairobi, toutes les réunions des ministres du
commerce de l'Union africaine ont été l'occasion pour ces derniers d'attirer
l'attention sur l'importance de conduire ce processus avec la plus grande
vigilance et de la mener en adéquation avec les positions exprimées à l'OMC
autant qu'avec les objectifs de développement du continent.
Les ministres africains réunis à Addis se sont dits préoccupés par la façon
dont le processus est conduit par l'UE. Le ministre kenyan du commerce, Kituyi
s'est déclaré particulièrement préoccupé par le manque de cohérence dans les
capitales européennes dans la dernière ligne droite avec la date limite du 31
décembre 2007 fixée pour l'achèvement des négociations. Il a souligné que la
principale préoccupation de l'Afrique est l'insuffisance du temps accordé pour
la conclusion efficace des négociations. " Nous avons vu à plusieurs
reprises des ONG européennes se plaindre plus que de raison. Nous avons été
témoins de l'incohérence en terme de calendrier dans les déclarations venant de
Bruxelles. Ce qui n'aide pas beaucoup ", a souligné M. Kituyi. Il a
suggéré que des mesures à court terme étaient nécessaires pour réduire les
signes d'inquiétude, qui émergeaient sur les marchés à propos des contrats à
long terme, si les priorités actuelles n'étaient pas claires concernant le
remplacement des termes commerciaux en vigueur.
Selon lui, le petit nombre d'agents techniques affectés aux négociations avec
l'UE et l'OMC ne pouvaient accomplir leur mission dans les délais impartis. Il
a souligné que ce même personnel technique devait négocier les réductions
tarifaires au sein des blocs régionaux africains et que pour cette raison il
avait besoin d'un appui important. M. Kituyi a également fait remarquer que le
développement des blocs économiques régionaux africains était assez positif
mais qu'une attention suffisante n'était pas encore accordée à l'harmonisation
des échanges entre ces blocs. Il a particulièrement souligné que les
négociations parallèles et n'ayant aucun rapport entre elles à propos des
nomenclatures tarifaires pour les différents blocs régionaux n'étaient pas
particulièrement utiles pour la structuration des échanges entre un groupe
économique de pays et un autre.
Les négociations lancées à Doha en novembre 2001 ont été suspendues l'été
dernier en raison d'un blocage sur la question de la réduction des soutiens
internes des Etats-Unis à leurs agriculteurs. Les grandes puissances
économiques notamment les chefs du
G8 ont ces dernières semaines envoyé des signaux clairs et ont donné à leurs
négociateurs des instructions pour terminer les négociations. Ces intentions
ont été réitérées à Davos la semaine dernière par plus d'une vingtaine de pays
membres de l'OMC. Il reste maintenant à les traduire en actes concrets et en positions
réalistes de négociation. Sources : www.africa-union.org, AFP, Le Devoir.