Les APE africains-UE dans le flou

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Les accords de partenariat économique européens ou APE – avec les pays d’Afrique subsaharienne signés il y a quelques années ont du mal à se mettre en marche et cela car les gouvernements  africains n’apprécient guère leurs règles inspirées par Bruxelles en terme de gestion des matières premières. Les pays africains ont donné la priorité à une intégration régionale à l’échelle du continent.

 

Les APE, les accords commerciaux entre l’Union Européenne (UE) et les différents groupes d’Afrique subsaharienne, conclus en 2014 et 2015, ou dans certains cas encore en cours de négociation, ont du mal à se mettre en marche. Le processus de ratification de ces accords commerciaux réciproques en est au point mort.

 

Les matières premières.

 

Une des raisons de ce blocage est la provision contenue dans les APE concernant les matières premières. « La relation commerciale entre l’Europe et l’Afrique, à travers les APE, et la manière dont l’Europe agit avec l’Afrique sur le thème des matières premières, doit changer » selon les dires de Dr Nkosazana C. Dlamini Zuma, présidente de la Commission, adressés aux européens lors de la Réunion Collège-à-Collège entre la Commission européenne et la Commission de l'Union africaine à Addis Abeba en Ethiopie le 7 avril 2016.

 

L'argument principal, sur un continent dont les économies ont tendance à être tributaires des produits de base, est que pour réduire cette dépendance il est nécessaire de développer des industries. Pour de nombreux décideurs africains, la protection commerciale demeure un élément clé de ce processus. L’UE, en particulier, a des griefs par rapport aux mesures qui limitent les exportations de matières premières ayant comme but de maintenir des prix bas pour les producteurs locaux dans les industries en amont ou, pour le dire plus crûment, dans le but de décourager les exportations dans l'espoir d’un traitement domestique plus élaboré des matières premières dans les exports industriels.

 

« Afin de diversifier nos économies, nous avons besoin d'ajouter de la valeur et de bénéficier de nos matières premières. Nous ne pouvons pas, et ne pourront donc pas, continuer à avoir des accords contraignants qui sont en contradiction avec la façon dont nous pensons que nous devrions travailler pour diversifier nos économies, améliorer la création d'emplois, et à développer l'Afrique », a déclaré Dr Zuma.

 

L'UE cherche à obtenir de ses partenaires commerciaux qu’ils souscrivent aux règles qui interdisent les pratiques telles que les taxes sur l'exportation de matières premières. L’APE de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ne dispose pas de telles règles, mais l’APE de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) plafonne les taxes à l’exportation à un maximum de dix pour cent. L’APE de la Communauté Est-Africaine (CEA) permet aux pays d'introduire des taxes à l'exportation à des fins telles que le développement d’une industrie naissante. Mais il restreint ces mesures dans le temps.

 

Désintégration régionale

 

Uzo Madu bloggeuse pour ‘What’s In it for Africa’ explique que les APE avec la CEDEAO sont également bloqués pour d’autres raisons: « Les APE pour le groupe de la CEDEAO sont au point mort. La Gambie, la Mauritanie et le Nigéria refusent de signer l’accord ». D’après Madu, «les arguments contre la signature sont ancrés dans la menace posée par une compétition accrue de l’UE, la perte de recette tarifaires, et surtout la désintégration régionale».

 

L’argumentation principale de l’UE pour les APE est qu’ils supportent l’intégration régionale en Afrique. En fait, ils ne le font pas mais selon Madu « le processus de négociation des APE a perturbé les blocs économiques régionaux existants».  Par exemple, la Mauritanie n’est plus un membre de la CEDEAO mais demeure dans le groupe de négociations de la CEDEAO. Les 15 membres de la Communauté de développement d'Afrique australe sont divisés en trois blocs de négociations sur les APE. « Les groupes de négociation de l’APE du côté africain peuvent être décrit comme allant à l’encontre de l'intégration régionale sur le continent dans son ensemble » écrit Madu.

 

Madu ajoute que «parce que les groupes régionaux s'engagent dans les APE, plutôt que le continent lui-même, cela signifie que chaque région aura des textes considérablement différents ainsi que différents engagements de libéralisation. Cela aura pour effet des échanges commerciaux entre blocs régionaux qui demeureront fragmentés et potentiellement frustrant pour un bloc commercial continental dans les années à venir". Et de conclure, “cela survient à un moment où l'Afrique est en train de mettre en œuvre des politiques commerciales inter-régionales qui traversent le continent et s'étendent au-delà de ces blocs régionaux qu’elle a elle-même crée ».

 

La CEDEAO, la CEA, la SADC et le Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA) ont lancé la zone tripartite de libre-échange le 10 juin 2015 à Charm el-Cheikh en Égypte. D’ici 2017, ces derniers veulent aller de l’avant avec une zone de libre-échange continentale (ZLEC) qui regroupera les 54 pays Africains.

 

Iana Dreyer  

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