L'ONU déclare le droit à l'eau potable salubre et propre comme un droit humain essentiel

La proposition de résolution bolivienne est une initiative sans précédent : c’est la première fois que l’Assemblée générale des Nations Unies a été saisie directement pour débattre du problème de l’eau, enjeu crucial pour l’avenir de l’humanité.

Par résolution non contraignante, l'Assemblée Générale des Nations unies a affirmé le 26 juillet 2010 que le droit à l'eau potable salubre et propre est un droit humain essentiel.

(Voir Encadré 1 )
Le texte a été adopté par 122 voix pour, zéro voix contre et 41 abstentions essentiellement des pays développés, comme les Pays-Bas et le Royaume-Uni. L'Allemagne ou l'Espagne ont voté pour.
(Lire: Commentaires des représentants des Etats)


QUELS SONT LES ENJEUX ?
Droit à la vie & Ressources en eau potable
1. Le droit à la vie pour tous passe par la réalisation du droit à l’eau de qualité.
2. Les ressources en eau potable de la planète s’amenuisent. Selon un rapport récent de la Banque Mondiale, d’ici à 2030, la demande globale en eau potable dépassera les ressources disponibles de 40%, ce qui laisse présager des guerres de l’eau sans précédent.

Quelques chiffres: voir Encadré 2

Lire: Plaidoyer de AEFJN - 2 cas (Tchad et Niger)

 

QU’EST-CE QUE CETTE RESOLUTION IMPLIQUE ?
Droit  à l’eau ou Droit d’accès à l’eau ? Le débat est de taille. Jusqu’alors, la communauté internationale (Institutions) distingue l’accès à l’eau- traité comme un besoin essentiel et non comme un droit humain universel et inaliénable- et l’eau - traitée comme une matière première, un bien économique, favorisant ainsi les politiques orientées vers le marché, la privatisation de la gestion des services hydriques, la marchandisation de l’eau.

La reconnaissance formelle du Droit à l’eau potable salubre et propre comme un droit humain essentiel est un pas important accompli sur la voie de la concrétisation du droit à la vie pour tous. Mais c’est la réalisation de ce droit à l’eau pour tous qui permettra de parvenir à l’éradication totale de la pauvreté dans le monde. Or l’obstacle principal à cette réalisation est le manque de volonté politique et les choix politiques et économiques correspondants. Garantir le droit à l’eau pour tous et économiquement possible. Déjà en 1997, les Nations Unies (en particulier le PNUD) ont démontré que l’objectif de l’accès à l’eau pour tous sur une période de 15 ans est économiquement réalisable.

Chaque Etat doit inscrire ce droit à l'eau potable salubre et propre dans sa Constitution et mettre tout en œuvre pour sa réalisation.

Cette résolution est un bon pas en avant, mais elle ne résout pas tout. On le voit déjà quand les 35 délégations qui expliquent leur vote nous livrent des points de vue contradictoires sur l’existence ou non du «droit à l’accès à l’eau », ou quand le représentant des Etats-Unis, qui s’est abstenu de voter la résolution, met en avant que ce ‘texte décrit l’accès à l’eau et à l’assainissement d’une façon différente du droit international.’ (ONU Communiqué de presse : http://www.un.org/News/fr-press/docs/2010/AG10967.doc.htm )

La mobilisation pour l’application du droit à l’eau pour tous dans tous les Etats n’est pas finie.
 

Encadré 1: Annonce officielle de l'ONU


L'Assemblée générale de l'ONU a adopté mercredi une résolution (A/64/L.63/Rev.1)  dans laquelle elle déclare que le droit à une eau potable, salubre et propre est un « droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l'homme ».

La résolution appelle les États et les organisations internationales à « fournir des ressources financières, à renforcer les capacités et à procéder à des transferts de technologies, grâce à l'aide et à la coopération internationales, en particulier en faveur des pays en développement ». L'objectif est d'accroître les efforts pour fournir « de l'eau potable, salubre, propre, accessible et abordable et l'assainissement pour tous ».

Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à demander à une experte indépendante, Catarina de Albuquerque, de lui présenter un rapport annuel dans lequel seront énoncés « les principaux problèmes liés à la réalisation du droit à une eau potable, salubre et propre et à l'assainissement et leurs incidences sur la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement.

Les Etats membres rappellent également l'engagement de la communauté internationale à réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), notamment l'objectif 7 qui visait, en 2000, à « réduire de moitié, d'ici à 2015, le pourcentage de la population qui n'a pas d'accès à un approvisionnement en eau potable ni à des services d'assainissement de base».

Lire l'article : http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=22544&Cr=eau&Cr1=


AGIR
Les Européens doivent se mobiliser pour faire inscrire le droit à l’eau dans la nouvelle constitution de l’Union européenne.

Pour participer à l’Initiative citoyenne européenne visant à la modification de la Directive-Cadre sur l’Eau, voir la Campagne « L’eau, bien commun, pour la vie » 2009-2012 : http://www.eaudefieurop.eu/cadregeneraldela.html

Encadré 2: Quelques chiffres :

1,5 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable
9 pays se partagent 66 % des réserves mondiales en eau

L’absence d’eau saine et d’assainissement est la 2ème cause de mortalité infantile au monde
34 000 personnes, dont 5 000 enfants, meurent chaque jour du manque d’eau potable

Plus de 50 pour cent des cas de malnutrition dans le monde sont associés à la diarrhée ou aux infections par des vers intestinaux.

Plus de la moitié des lits d'hôpital du monde sont occupés par des personnes souffrant de maladies liées à l'eau contaminée.

Près de 900 millions de personnes manquent d'eau potable, et on estime à 2,6 milliard le nombre de personnes qui n'ont pas accès à l'assainissement de base. L'Afrique subsaharienne (330 millions) et l’Asie du Sud (environ 221 millions) ont la plus forte proportion de personnes vivant sans installations sanitaires de base.

Les eaux usées non traitées génèrent du méthane, un gaz à effet de serre 21 fois plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2). Elles génèrent aussi de l'oxyde nitreux, qui est 310 fois plus puissant que le CO2.

On estime que, dans tout juste une décennie, les émissions liées au méthane des eaux usées va augmenter de 25 pour cent et celles de l'oxyde d'azote de 50 pour cent.

L'eau en bouteille :
L'utilisation de l'eau en bouteille est en augmentation, mais il faut trois litres d'eau pour produire un litre d'eau embouteillée et un demi litre de pétrole pour le conditionnement, le transport et la publicité.
 

 

Commentaires du vote des représentants

Le représentant du Botswana a déploré qu’une résolution aussi vitale n’ait pu être adoptée par consensus.  Il a jugé qu’il aurait été préférable d’attendre le terme du processus de Genève.  C’est la raison pour laquelle mon pays s’est abstenu, a-t-il confié.

Le représentant de l’Éthiopie, qui s’est abstenu, a rappelé qu’il a demandé qu’un paragraphe puisé dans la Déclaration de Rio sur le droit souverain des États à leurs ressources soit insérer dans le texte de la résolution.  Il a également mis l’accent sur la responsabilité qu’ont les États de garantir que les activités menées dans leur pays n’endommagent pas les ressources naturelles ou celles d’autres pays.  Il aurait fallu introduire un autre paragraphe soulignant le droit souverain des États à leurs ressources, notamment à l’eau, a-t-il insisté.

Le représentant de la Guinée équatoriale a dit que l’accès à l’eau était avant tout une question de souveraineté nationale et qu’il revenait aux États Membres d’aborder cette question au regard de leur législation.

Le représentant de l’Allemagne a rappelé que son pays était un des principaux promoteurs de l’accès à l’eau et à l’assainissement.  L’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) met l’accent, a-t-il souligné, sur les droits à une vie salubre.  Regrettant que le texte n’ait pas pu être adopté par consensus, il a estimé que cette résolution complétait le processus de Genève en cours.  Il a conclu en avouant qu’il aurait voulu un message plus clair sur la responsabilité première des États en la matière.

Le représentant de l’Espagne a regretté qu’aucune des recommandations de l’Union européenne n’ait été prise en compte dans la résolution.  Il a néanmoins salué l’amendement qui remplace le terme « reconnaît » par « déclare » au premier paragraphe du dispositif.  Il a, à son tour, insisté sur la responsabilité première des États en matière de droits de l’homme en général et d’accès à l’eau potable, en particulier.

La représentante du Royaume-Uni a expliqué que son pays s’est abstenu pour des questions de fonds et de procédure.  Nous n’avons pas une base suffisante en matière de droit international pour reconnaître le droit à l’accès à l’eau comme un droit fondamental, a-t-elle dit.  Elle s’est dite déçue que ce texte préjuge des travaux du Conseil des droits de l’homme.  Elle s’est néanmoins déclarée très inquiète de voir que, selon les indications, l’OMD relatif à l’accès à l’assainissement ne pourra être réalisé avant 2049.

Le représentant de la France a, à son tour, regretté qu’une telle résolution n’ait pu être adoptée par consensus.  Il s’est réjoui, néanmoins, de la reconnaissance de ce droit.  Il a appelé la communauté internationale à joindre ses efforts pour les prochaines échéances des OMD, dont le sommet de septembre et le Forum mondial sur l’eau qui se tiendra à Marseille en mars 2012.

Le représentant de la Belgique a regretté le processus par lequel la résolution a été adoptée.  Il a appuyé le travail de l’experte indépendante et a exprimé ses réserves sur le deuxième paragraphe du dispositif.  La réalisation de ce droit est la responsabilité première des États, a-t-il conclu.

Le représentant des Pays-Bas, qui s’est abstenu, a expliqué que son pays reconnaissait qu’il s’agissait là d’un droit fondamental, qui s’inscrit dans le contexte des efforts de développement.  Cependant, cette résolution n’insiste pas assez sur la responsabilité des États envers leurs citoyens.  Ces derniers doivent pouvoir demander des comptes à leur gouvernement et exiger des mécanismes d’indemnisation. Le représentant a, à son tour, voulu que le rapport de l’experte indépendante soit examiné par le Sommet sur les OMD, en regrettant dans la résolution « des éléments de politisation».

Le représentant de la Suisse a dit que son pays avait voté en faveur de ce texte tout en regrettant les problèmes de procédures qu’ont connus les négociations.  Le texte, a-t-il estimé, fait doublon avec les travaux menés en ce moment par le Conseil des droits de l’homme.  Il a appelé les pays initiateurs du projet de résolution de s’abstenir à l’avenir de soumettre des textes qui risquent d’être en contradiction avec les travaux du Conseil des droits de l’homme.  Il a dénoncé une «démarche peu constructive et peu transparente », avant de déplorer, à son tour, l’absence de référence à la responsabilité et aux obligations des États en matière d’accès à l’eau et à l’assainissement.

Source : Communiqué de presse, ONU http://www.un.org/News/fr-press/docs/2010/AG10967.doc.htm

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