Mise à jour APE - Octobre 2011
Comme ce fut mentionné dans certaines des dernières mises à jour, les négociations sur les APE étaient largement arrivées à un point mort au cours de l’an dernier. La période de calme est maintenant terminée. Frustrée par le manque de progrès des négociations sur les APE, l’UE a décidé d’intensifier la pression sur les pays ACP. Le 30 septembre, la Commission Européenne a adopté une proposition d’amendement du Règlement du Conseil 1528 de 2007 qui gouverne l’accès de 36 pays ACP au marché de l’UE. La proposition d’amendement prévoit que, ou bien les 36 pays ratifient les APE et les mettent en œuvre, ou bien l’accès de leurs biens au marché européen sans taxe et sans quota sera révoqué d’ici le 1er janvier 2014. La proposition doit être adoptée par le Conseil et par le Parlement européen pour devenir effective. Le Règlement 1528 avait été adopté en 2007 comme solution temporaire pour accorder plus de temps pour la conclusion des négociations APE et le processus de ratification.
Le règlement de 2007 permet aux 36 pays ACP de bénéficier d’un accès sans taxe et sans quota au marché européen. De ces 36 pays, 18 (14 pays des Caraïbes, Madagascar, l’île Maurice, les Seychelles et la Papouasie-Nouvelle Guinée) sont considérés comme « gentils » par la Commission, ce qui veut dire qu’ils ont procédé aux étapes nécessaires vers la ratification de l’APE.
Des 18 autres “méchants”, le Burundi, le Ghana, les îles Comores, le Kenya, la Namibie, l’Ouganda, le Rwanda, la Tanzanie et la Zambie ont conclu des négociations mais n’ont pas signé leurs accords respectifs. Le Botswana, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, les îles Fidji, Haïti, le Lesotho, le Mozambique, le Swaziland et le Zimbabwe ont signé mais n’ont pas procédé aux étapes nécessaires vers la ratification de leurs accords respectifs. Maintenant ils font face au choix, soit de ratifier un APE et de le mettre en œuvre, soit d’être exclus de la régulation de l’accès au marché.
L’exclusion de la régulation de l’accès au marché aurait un impact différent pour les divers pays. Le Burundi, les îles Comores, Haïti, le Lesotho, le Mozambique, l’Ouganda, le Rwanda, la Tanzanie et la Zambie sont des Pays moins avancés (PMA) et, par conséquent, ils pourraient continuer à bénéficier de l’accès au marché européen sans taxe ni quota, grâce au schéma « Tout sauf les armes » de l’Union Européenne. Par conséquent, ces pays ne doivent guère se tracasser.
Le Cameroun, la Côte d’Ivoire, les îles Fidji, le Ghana, le Kenya, le Swaziland et le Zimbabwe sont des pays à revenu faible ou à revenu moyen inférieur et ils retomberaient dans le Système de préférences généralisées de l’UE (SPG). Le Système de préférences généralisées est un accord commercial par lequel l’UE offre à des pays et territoires en voie de développement l’accès préférentiel au marché de l’UE, sous forme de taxes réduites pour leurs biens quand ils entrent dans le marché de l’UE. On ne s’attend pas à ce que cet accès soit réciproque, et on ne l’exige pas. Il faut noter cependant que ceci représente une augmentation de taxes pour les pays ACP, qui ont bénéficié jusqu’à présent de l’accès au marché européen sans taxe. Ces pays feraient dès lors face à de graves conséquences s’ils ne signaient pas un APE.
Le Botswana et la Namibie se trouvent dans une situation encore plus malicieuse. Ce sont des pays à revenu moyen supérieur et, selon la proposition actuelle de réforme du Système de préférences généralisées de la Commission Européenne, ils ne pourraient plus prétendre au SPG. Ils retomberaient par conséquent au niveau normal, plus élevé, de taxes sur leurs exportations vers l’UE. Il faut noter que la proposition de réforme du SPG n’a été présentée que récemment par la Commission et qu’elle doit encore être approuvée par le Conseil et le Parlement. Ceci prendra tout un temps et des amendements à la proposition originelle sont probables. Néanmoins, la situation est préoccupante pour les deux pays en ce moment.
Le mouvement de la Commission pour réviser le Règlement de l’accès au marché de 2007 démontre une incapacité totale de traiter les causes profondes qui ont mené tout d’abord à l’impasse. C’est pour de bonnes raisons que le processus des APE est arrivé à un point mort, d’abord et principalement parce que les APE, tels qu’ils sont conçus aujourd’hui par la Commission Européenne, ne sont pas dans l’intérêt de l’Afrique. Ils propagent une logique de marché libre, qui sert les intérêts des entreprises européennes, mais pas les aspirations légitimes des Africains au développement. Au lieu de pouvoir reconnaître que le processus était défectueux dès le départ et de soulever de nouvelles propositions, la Commission Européenne se limite à accroître la pression sur les gouvernements africains, tout en allant de l’avant avec le même agenda qui a échoué.
Thomas Lazzeri