Nouvelles Commerce - Avril 2012
L’Accord anti-contrefaçons – auquel on se réfère généralement par son acronyme anglais ACTA – est arrivé au Parlement Européen et a été discuté le 25 avril au comité du commerce. La Commission Européenne a conclu les négociations d’ACTA avec l’Australie, le Canada, la Corée, les Etats-Unis, le Japon, le Maroc, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, Singapour et la Suisse en 2011. Le texte agréé a été envoyé maintenant au Parlement pour approbation. L’objectif de l’accord est l’établissement de normes internationales sur le renforcement des droits de propriété intellectuelle dans tous les pays participants. L’Afrique n’avait pas sa place à la table des négociations et l’accord n’est directement applicable qu’aux pays qui le signent. Par conséquent, il semblerait à première vue qu’ACTA n’affectera pas l’Afrique. Malheureusement, la réalité est différente et si ACTA se réalise, il aura des conséquences importantes pour l’Afrique aussi.
ACTA a attiré largement l’attention dans les médias occidentaux, parce qu’on a exprimé des craintes qu’il peut constituer une menace pour la liberté de l’internet et la liberté d’expression. Sans vouloir déprécier ces préoccupations, qui ont leur pertinence dans les pays signataires, le plus grand risque qu’ACTA pose à l’Afrique concerne l’accès aux médicaments génériques.[1]
Il y a des inquiétudes que les mesures de renforcement prévues dans ACTA mèneront les autorités douanières à bloquer le transport de médicaments génériques vers l’Afrique. Le transport pourrait être bloqué à cause d’une dispute au sujet de la marque déposée[2] entre les producteurs du médicament breveté et les producteurs du médicament générique. Comme les marques déposées des médicaments sont souvent basées sur les ingrédients, le nom du médicament générique est souvent inévitablement semblable à celui du médicament breveté, car tous deux ont les mêmes ingrédients.
Déjà en 2008 et 2009 les autorités douanières hollandaises avaient saisi à tort des médicaments génériques provenant de l’Inde et destinés à l’Afrique et à l’Amérique latine, sur base d’une contestation à propos du brevet. L’entrée en vigueur d’ACTA augmenterait la probabilité qu’une telle saisie injustifiée se reproduise à l’avenir.
L’augmentation du nombre de procès pourrait aussi impliquer une augmentation des coûts pour les producteurs de médicaments génériques, menant par là à une augmentation des coûts des médicaments génériques eux-mêmes. Il y a aussi des inquiétudes par rapport à un autre paragraphe d’ACTA, qui est énoncé d’une telle façon qu’il pourrait même occasionner des problèmes légaux à des organisations non gouvernementales (ONG) et à d’autres groupes pour avoir distribué des médicaments génériques contestés à des patients. En ce moment, ACTA ne contient pas de mesures pour combattre réellement les faux médicaments de manière efficace.
La Commission Européenne a toujours essayé d’apaiser les craintes et elle a essayé de rassurer que les préoccupations étaient injustifiées, mais elle n’a jamais réussi à le faire de manière convaincante.
Au cours du débat au comité du commerce du Parlement Européen, le Parti Populaire Européen (PPE), qui est le plus grand groupe au Parlement Européen, a suggéré de renvoyer ACTA à la Commission Européenne, en demandant de renégocier ces aspects, qui sont peu clairs ou qui peuvent avoir des conséquences involontaires. Tous les autres groupes importants au Parlement Européen - Socialistes et Démocrates (S&D), Libéraux (ALDE), Verts et Communistes – ont fait un pas de plus et ont soutenu l’idée de rejeter complètement le traité, sans chercher à renégocier certains aspects. Par conséquent, la dernière option a des chances de trouver une majorité lorsque le Parlement Européen votera sur ACTA.
Il est prévu que le comité du commerce du Parlement Européen votera sur ACTA en juin et que la séance plénière aura lieu après les vacances d’été.
Thomas Lazzeri
1 Un médicament générique est un médicament conçu pour être interchangeable avec l’original, mais il est fabriqué sans le brevet de la société qui a fabriqué l’original. Il a les mêmes ingrédients actifs que le médicament de marqué mais il est normalement beaucoup moins cher. Comme tels, les médicaments génériques ne doivent pas être confondus avec des médicaments faux ou contrefaits, qui représentent réellement un risque pour la santé et doivent être combattus.
[2] Une marque déposée est un signe distinctif ou un indicateur, utilisé par une société pour identifier que les produits ou services où la marque de fabrique apparaît proviennent d’une source unique, et pour distinguer ses produits ou services de ceux d’autres entités.