Un traité sur le commerce des armes … pour demain

En préparation depuis 2006 ce traité n’a pu aboutir ce 27 juillet 2012 après quatre semaines de négociations en raison principalement de l’opposition des Etats Unis suivi de quelques autres pays.

 

Durant ce mois de travail plusieurs forces ont été  en présence, les politiques intérieures  de chacun des 193 pays représentés par leurs délégués, les exportateurs d’armes influents près des politiques des pays concernés par ce commerce  et les Organisations Non Gouvernementales (ONG). Les intérêts et objectifs des uns et des autres n’étant  évidemment pas les mêmes. Au dernier moment, la politique intérieure américaine a certainement été déterminante, la proximité de l’élection présidentielle  a fait craindre une influence non favorable au président actuel  si ce traité aboutissait. De plus les  lobbies des industriels américains ont été plus persuasifs que ceux des ONG ; les USA détiennent en effet 40% du marché mondial des armes qui s’élève à 70 milliards de dollars par an.

 

Tout au long des négociations, des désaccords sur certains points se manifestaient, un groupe d’Etats dits « sceptiques » faisaient état de  leurs craintes voire de leur opposition dans certains domaines ; citons, l’Iran, la Corée du Nord,  la Syrie,  l’Egypte et l’Algérie sans oublier la  Russie et la Chine et l’Inde. Il fallait se mettre d’accord en effet sur de nombreux points. Quelle place donner aux Droits de l’homme et au Droit humanitaire international ? Quels critères retenir pour autoriser un transfert d’armes ? Quels types d’armes sont concernés  - faut-il y inclure les munitions dans leur liste? Quels modes de transferts accepter ? Comment mettre en œuvre la transparence nécessaire ? Comment prendre en compte la Société civile ? Quelles incidences dans le développement des pays ? Comment prendre en compte le droit à l’autodétermination des peuples ?

 

L’état du Vatican était bien sûr présent dans tous ces débats. Si ses délégués manifestaient des réserves sur certains points ils insistaient toutefois sur la mise en place d’un traité fort et contraignant. Quelques heures avant la fin des tractations l’Observateur permanent du Saint siège aux Nations Unies est intervenu à la tribune. « Les armes ne peuvent pas être simplement comparées aux autres biens commerciaux échangés sur les marchés nationaux et internationaux » a déclaré Monseigneur Francis Assisi Chulikatt rappelant que « le trafic illégal d’armes a un impact  pernicieux sur le développement, la paix, les lois humanitaires et les droits humains». Le Saint siège affirmait  qu’un Traité sur le commerce des armes aurait des conséquences importantes pour des millions de personnes victimes de  l’insécurité, de la peur liée à un trafic d’armes et de munitions sans règle ainsi que de  l’acquisition illégale de celles-ci par des criminels ou des acteurs non étatiques qui n’y ont pas droit.

 

Ces propos rejoignaient les préoccupations de la majorité de délégations. En effet l’espoir était manifeste en fin de session car un grand nombre d’Etats étaient d’accord sur la nécessité d’instaurer des règles strictes basées sur les Droits de l’homme et le Droit international humanitaire pour mettre le commerce des armes sous contrôle. Nous avons constaté que certains pays avaient changé leurs positions durant les négociations. Par exemple la Chine a fini par accepter l’inclusion des armes légères dans le répertoire des armes et la mention du respect des Droits de l’homme dans le texte. A ce sujet le poids des pays africains a été très important étant donnés les intérêts qu’a la Chine dans nombre de ces pays.  La montée en puissance du continent africain était perceptible ; fort de ses cinquante et un pays, il a souligné à maintes reprises combien la circulation irresponsable des armes était une grande menace dont la société civile était la principale victime

 

La déception était grande ce 27 juillet pour beaucoup mais pas le découragement. Le travail va continuer pour améliorer encore le texte proposé par le Président de la Conférence, l’ambassadeur argentin Roberto Garcia Morritan. Le dernier jour des négociations la France a rejoint un groupe de 90 Etats qui ont indiqué vouloir finaliser le texte du traité dans les meilleurs délais, les Etats africains se sont montrés particulièrement déterminés. L’Assemblée générale des Nations Unies prendra sans doute une décision à ce sujet en octobre prochain.

 

Quel poids ont eu les ONG dans les négociations ? Il est bien sûr difficile de l’évaluer mais les nombreux contacts bien argumentés avec les délégués des différents pays n’ont certes pas été sans effet et le rôle de la société civile a été reconnu. Il était bon aussi que les Congrégations religieuses soient impliquées dans cet effort auprès des Eglises qui étaient bien représentées. En amont de la Conférence, Une Campagne œcuménique en faveur d’un traité sur le commerce des armes, fort et efficace a été menée. Le « World Council of Churches – Oikoumene » a participé à l’élaboration des textes d’ « Arms trade treaty monitor » qui faisaient le point quotidiennement sur les négociations.

 

Parmi les instances catholiques rencontrées citons, Caritas, Pax Christi, le CCFD, le Réseau foi et Justice Afrique Europe qui côtoyaient des églises protestants et d’autres mouvements spirituels et mouvements pour la paix. La veille de la clôture de la Conférence, Bouddhistes, Hindouistes, Sikhs, musulmans, Juifs et Chrétiens se sont retrouvés pour une veillée de prière animé par un griot africain et sa cora dans le « Church Center for the United Nations » tout près du « Mur d’ Isaïe » face au bâtiment de l’ONU sur lequel est gravé « … Ils briseront leurs épées pour en faire des socs de charrues et leurs lances pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à faire la guerre » (Isaïe 2,4). Près de ce mur, chaque jour, se tenaient des temps de prière pour la paix.

 

Puissions nous continuer, avec d’autres, le travail pour qu’un traité fort et contraignant soit conclu dans un avenir le plus proche possible ! Ce travail peut être fait dans nos pays respectifs en Europe et aussi auprès des dirigeants africains dans les pays où nos Congrégations sont implantées.

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