Demander justice à Shell

En Octobre 2004, un déversement massif de pétrole s'est produit à partir de Shell Trans-Niger oléoduc, qui traverse le pays ogoni jusqu'au terminal d'exportation de Bonny. A cause du déversement, un incendie a éclaté. Le feu et le pétrole ont atteint la zone de mangrove de la communauté Goi.
En Juin 2005, un déversement d'hydrocarbures provenant d'un oléoduc à haute pression exploité par Shell, en Oruma, État de Bayelsa a été découvert. Le pétrole s'est propagé dans les étangs habités par de nombreux poissons. Toute la vie aquatique dans les étangs - non seulement les poissons, mais aussi les homards, les crabes et les crevettes - sont morts, laissant les membres de la communauté avec peu de nourriture et de revenus pour de nombreuses années.
Rôle de Shell au Nigeria
Ces deux cas sont malheureusement loin d'être isolés. Ils représentent plutôt un profil constant, principalement déterminé par l'indifférence de Shell, son mépris pour les populations locales du Delta du Niger, pour leurs moyens de subsistance et pour l'environnement en général. Une étude menée par Amis de la Terre Pays-Bas en 2008[1] conclut que, pour ses opérations dans le delta du Niger, Shell n'emploie pas les standards internationalement reconnus pour prévenir et contrôler les déversements de pétrole. Shell n'investit pas assez d'argent pour satisfaire les normes internationales et pour remplacer son infrastructure vieillissante au Nigeria. Pourtant, Shell a réalisé $31 milliards de profits en 2008.
La plupart des 27 millions de personnes vivant dans le delta du Niger dépendent de l'eau, des poisson et des produits agricoles du delta pour leur subsistance. Selon les statistiques disponibles, au cours des 30 dernières années, plus de 400.000 tonnes de pétrole se sont déversées dans les étangs et les sols du sud du Nigeria. Environ 70 pour cent du pétrole n'a pas été récupéré. Les déversements d'hydrocarbures affectent la santé et la sécurité alimentaire des populations rurales qui vivent en proximité des installations pétrolifères de manière significative. Dans la période 1997 - 2006, selon ses propres rapports annuels, Shell Nigeria a vu environ 50 déversements de pétrole chaque année. D'autres (les Amis de la Terre Pays-Bas 2008) craignent que Shell ait sous-déclaré nettement les déversements. Une grande partie des déversements sont causés par le vieillissement des infrastructures et par des erreurs humaines. Bien que la législation nigérienne établit clairement la responsabilité des compagnies pétrolifères en cas de déversement, des centaines de demandes d'indemnisation sont restées bloquées devant les tribunaux nigériens.
Le pétrole représente jusqu'à 80% des revenus budgétaires du Nigeria et 95% des recettes en devise nigérienne. Le Nigeria est le huitième plus grand producteur de pétrole au monde et produit environ 4% du pétrole brut au monde. Extractions de pétrole et de gaz sont effectués sur environ 50% du territoire du delta du Niger. Cette richesse pétrolière n'a pourtant pas conduit à une augmentation du niveau de vie de la population locale. Le pourcentage de la population vivant dans la pauvreté est passée de 28% en 1980 à 66% en 2000. Shell est le premier opérateur pétrolier au Nigeria. Sa filiale Shell Nigeria opère dans une coentreprise, qui représente environ 40% de la production pétrolière nigérienne.
Le procès
Bien que les déversements de pétrole précités ne soient pas de cas exceptionnels, la réaction a été extraordinaire. Comme les tribunaux nigériens ne sont pas prêts à intervenir en faveur des agriculteurs et de pêcheurs nigériens, les victimes de ces deux déversements de pétrole ainsi que Amis de la Terre Pays-Bas, ont porté l'affaire devant le tribunal de La Haye. C'était la première fois qu'une Corporation Transnational Néerlandaise a été mise en jugement devant un tribunal néerlandais pour les dommages causés à l'étranger.
Shell a nié toute responsabilité et a fait valoir qu'un tribunal néerlandais n'a pas de juridiction sur sa filiale nigérienne, qui ne peut pas être appelée à rendre compte de ses actions devant un tribunal néerlandais. Shell a également affirmé que la société mère dont le siège social est aux Pays-Bas ne pouvait être réputé responsable des conséquences des actions de sa filiale au Nigeria. Shell affirme de n'avoir aucune influence sur les pratiques de travail de sa filiale nigérienne. Il est à noter ici que Shell contrôle le 100% de sa filiale au Nigeria.
Le 30 Décembre 2009, le tribunal de La Haye a jugé d'être compétent sur les opérations de Shell au Nigeria. Étant donné que Shell a désormais perdu sur ce point, un obstacle important a été surmonté, et le«procès réel» peut maintenant commencer.
L'affaire judiciaire en cours aux Pays-Bas avec la déclaration commune de la Présidence suédois et espagnole du Conseil en Novembre 2009,[2] qui affirme que l'UE devrait prendre l'initiative au niveau mondial en Responsabilité Social des Entreprises , représentent une occasion unique pour pousser pour obtenir l'adoption à niveau de l'UE de dispositions juridiquement contraignantes pour les sociétés transnationales opérant dans des pays tiers.
Thomas Lazzeri
[1] [1] Steiner, R., 2008 Double standards?: International Best Practice Standards to Prevent and Control Pipeline Oil Spills, Compared with Shell Practices in Nigeria.
[2] http://www.aefjn.org/index.php/resp-entreprises/articles/declaration-commune-des-gouvernements-suedois-et-espagnols-sur-la-responsabilite-sociale-des-entreprises---novembre-2009.html