1502-1503 Nouvelles du groupe de travail sur les ressources naturelles
Projet de réglementation pour un commerce responsable des minerais originaires des zones de conflit
Actuellement, le Parlement européen discute le projet de réglementation[1] pour un approvisionnement responsable des minerais provenant de zones de conflit proposé par la Commission européenne. Cette proposition envisage de rompre le lien entre les conflits violents et l’exploitation des ressources naturelles, pour éviter notamment que des groupes armés se financent avec les profits tirés de l’exploitation minière. La société civile a suivi ce processus législatif l’année passée et elle a exprimé des préoccupations relatives au caractère volontaire de la proposition et à la portée limitée des minerais et des entreprises inclus dans le projet de loi. Un élément positif est que la proposition ne se limite pas à une seule région comme par exemple la loi similaire aux Etats-Unis (Dodd-Franck Act ; Région des Grands Lacs). Les questions principales du texte seront brièvement examinées ci-dessous.
Premièrement, le caractère volontaire du projet de loi est problématique, puisqu’il est peu probable que ceci change le comportement des entreprises afin qu’elles s’approvisionnent de manière responsable. Une étude de SOMO[2] a révélé que les entreprises utilisant l’étain, le tantale, le tungstène et l’or (3TGs)[3] et non liées par une loi contraignante (comme le US Dodd-Franck Act), ne mentionnent rarement avoir réalisé des efforts raisonnable pour éviter que des minerais de conflit n’entrent dans leur chaîne de valeur : 88% des entreprises n’en fait pas référence sur leur site web. Une étude par la Commission européenne[4] est encore plus pessimiste ; seulement 7% des entreprises interrogées font référence à une diligence raisonnable en matière de minerais de conflit. Dans la proposition de la Commission les entreprises peuvent choisir pour un système d’opt-in (=l’option d’y adhérer) pour assurer un approvisionnement responsable des minerais de conflit, ce qui est très éloigné d’une obligation pour les entreprises de nettoyer leurs chaînes de valeurs.
Deuxièmement, dans la proposition originale très peu d’entreprises seraient affectées: seulement 0,05% des entreprises transformant ou commercialisant les minerais 3TG’s. En effet le texte actuel ne concerne que 400 entreprises qui sont des importateurs primaires des 3TG’s. Cependant, pour avoir plus d’impact sur le marché mondial et des chaines de valeur propres, l’UE devrait inclure également les entreprises utilisatrices de produits ou bien des composants de produits contenant les minerais 3TG’s, telles que les entreprises importatrices d’ordinateurs, téléphones portables, voitures, etc.
Troisièmement, le projet de loi se limite uniquement à l’étain, le tantale, le tungstène et l’or tandis d’autres ressources naturelles sont liées également aux conflits, entre parmi autres le cuivre, le diamant, le fer, le zinc, le charbon et le pétrole. Une future législation devrait permettre de rajouter de telles ressources naturelles, si elles font partie d’une économie de guerre.
Quatrièmement, les mesures d’accompagnement dans la proposition seront principalement concentrées sur des incitatifs pour les entreprisses de sorte qu’elle conduise une diligence raisonnable dans leurs chaines d’approvisionnement. De surcroît, très peu d’attention est accordée au renforcement des capacités des acteurs locaux. En premier lieu, les mineurs artisanaux, qui contribuent aux moyens d’existence locaux et qui y sont bien intégrés dans l’économie locale. Ensuite les mesures d’accompagnement devraient aussi accorder plus d’importance à traiter les causes profondes des conflits violentscomme les conflits fonciers et à favoriser la réconciliation entre groupes ethniques.
Néanmoins Hélas, la proposition de la Commission a été édulcorée encore plus par le rapport de la Commission du commerce international au Parlement européen (INTA)[5], qui est en charge du dossier au PE. Principalement INTA veut accorder aux entreprises une période d’adhésion de deux ans pour un cadre qui est dans son caractère déjà volontaire. INTA veut permettre aux compagnies de pouvoir décider « à leur rythme» d’éviter les minerais de conflits dans leurs chaînes d’approvisionnement. Néanmoins il y a des signes d’espoir, avec les deux rapports de la Commission Développement (DEVE) et Affaires étrangères (AFET) appelant à des dispositions légalement contraignantes en matière de diligence raisonnable pour les entreprises. AFET élargit aussi la portée de la directive aux « entités publiques et aux grandes entreprises, qui fabriquent ou font fabriquer des produits contenant des minerais ou des métaux constitués d'étain, de tantale, de tungstène ou d'or ».[6] Dans les prochaines semaines AEFJN lancera une action sur Twitter et une campagne par courrier électronique. Dès lors, suivez notre site web et twitter dans les semaines à venir.
Gino Brunswijck
[1] Projet de réglementation proposé par la Commission européenne: http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-218_fr.htm
[2] Étude SOMO, “Sourcing of Minerals could link EU companies to violent conflict”, 2013, http://somo.nl/news-en/sourcing-of-minerals-could-link-eu-companies-to-violent-conflict
[3] (Connus sous l’acronyme anglais 3TGs)
[4] Étude Commission européenne, “staff working document », 2014, http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2014/march/tradoc_152229.pdf