La Namibie au cœur de la stratégie mondiale de l’uranium
Vingt après son indépendance acquise en 1990, la Namibie est propulsée au cœur de la stratégie mondiale de l’uranium pour les années à venir. Elle est actuellement le 4e producteur mondial et deviendra même le 2e après le Kazakhstan. Longtemps avant l’indépendance, la mine de Rössing était à l’œuvre dans le beau désert du Namib qu’on dit être le plus vieux du monde. Mais avec la montée en puissance des pays émergents et l’idéologie de la croissance pour résoudre tous les problèmes économiques, les vautours de l’uranium s’y précipitent et les mines à ciel ouvert poussent comme des tumeurs dans ce splendide désert.
Il y en a actuellement une vingtaine. Dont les 4 plus grandes sont exclusivement pour l’uranium. La mine de Rössing (Rio Tinto) a une forte participation australienne et anglaise, mais aussi française et d’autres difficilement repérables dans ces toiles d’araignées opaques que sont les multinationales. L’Iran y a une participation de 10 % et vient d’affirmer que cet uranium est à but « civil ». Mais les experts savent bien qu’elle a les hautes technologies et les ingénieurs nécessaires pour produire en quelques mois du plutonium (bombe) à partir de l’uranium.
En 2009, la Namibie a produit le 10 % de la demande mondiale qui est de 50 000 tonnes. 45% des vautours de l’uranium sont des pays asiatiques, Chine en tête (35%). Le Président chinois Hu Jintao est venu en personne il y a deux ans négocier avec le gouvernement namibien. Viennent ensuite le Japon avec 10% d’achat, et les principaux pays industrialisés.
Il y a une année, le Président Medvedev est aussi venu essayer d’acheter une grande partie de la future mine de Usab à 53 km de Swakopmund. Cela a été refusé par le comité de la Swakop Uranium, consortium australien. La France est de plus en plus présente avec Areva (aussi au Niger) qui a même construit rapidement une usine de désalinisation de l’eau de l’Océan atlantique, car les nappes phréatiques sous le désert sont surexploitées comme dans d’autres pays. Parallèlement aux mines, les grandes ambassades bunkerisées des puissances étrangères témoignent à Windhoek de l’importance des enjeux mondiaux qui se jouent comme une partie d’échecs mystérieuse décidant de l’avenir de l’énergie dans le monde.
Les experts assurent qu’il y a actuellement 50 000 tonnes d’uranium sur le marché mondial, ce qui est suffisant pour assouvir la demande des 40 000 tonnes par les 376 centrales nucléaires du monde, bientôt 400 à cause du développement de la Chine. L’uranium sera indispensable ces 20 prochaines années, en attendant que d’autres sources d’énergies le remplace « en partie » : soleil, eau, géothermie, gaz, éoliennes, charbon. Mais les experts sont moins bavards sur le stockage des déchets radioactifs. On pense même que certains grands pays auraient commencé depuis plusieurs années à les stocker dans la Côte des Squelettes.
Qu’en est-il du reste de l’Afrique ? Malgré son récent protocole sur l’emploi civil du nucléaire, il faut bien avouer que seule l’Afrique du Sud peut entretenir une centrale nucléaire – elle en a déjà une – car elle possède les infrastructures, les technologies et les experts pour cela. Les autres pays « émergents » africains : Nigeria, Ghana, Kenya, Maroc, Egypte, Algérie, souhaiteraient sans doute avoir « leur » petite centrale nucléaire, mais c’est une utopie actuellement tant les moyens sophistiqués et coûteux manquent.
Il est stupéfiant de penser que la stratégie mondiale de l’uranium devient si importante à l’heure justement où on ne parle que d’évolution durable, de protection de l’environnement, et même de « décroissance » dans les grandes conférences internationales. D’une part, chaque pays « puissant » donne l’impression de vouloir faire peur à ses voisins en ayant « sa » bombe, l’Iran et Israël en sont des exemples. Mais aussi chaque pays veut se mettre à l’heure de la croissance, de la consommation à outrance, de la concurrence, de « l’innovation », ceci paraît-il, pour donner du travail aux millions de chômeurs potentiels.
Dans le cas de la future mine de Usab (Rössing Uranium), une étude de faisabilité sérieuse et indépendante a pourtant été faite montrant les côtés positifs connus et négatifs nombreux: conséquences sur l’eau, l’air, la faune, la flore, le tourisme ; augmentation des transports, du bruit et de l’immigration de gens qualifiés d’où des conflits sociaux programmés. L’étude mentionne aussi que l’ exploitation ne durera que 12-15 ans. Jusqu’à présent, il n’y a eu aucune manifestation de protestation.
D’une manière générale, la majorité de la population (2 millions) n’est pas à même de comprendre les enjeux stratégiques mondiaux qui se jouent dans leur pays, ni les conséquences réelles sur ce pays où la démocratie tant désirée après la colonisation sud-africaine, est mise à mal : le Parlement n’est pas consulté, il n’y a pas de referendum, c’est le Président et les ministres qui décident comme si les ressources leur appartenaient de droit divin. On ne sait pas non plus combien de taxes paient les multinationales, ce qu’elles rapatrient ailleurs, ni comment les revenus importants sont et seront utilisés pour le bien de tous. C’est le secret des dieux qui semblent être tombés sur la tête, car les permis d’exploitation sont distribués comme des petits pains…
Christine von Garnier
Antenne suisse Réseau Afrique Europe Foi et Justice