Différences et les difficultés des négociations des APE

Agriculture
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Actuellement, cinq négociations d’accords de partenariat économique (APE) sont en cours entre l’UE et des régions africaines.[1] L’Union Européenne (UE) exerce une pression sur les pays africains pour qu’ils signent ou ratifient les APE intérimaires. L’UE veut pénaliser ces pays, qui ne montrent aucun progrès dans ce processus. Entre-temps, les gouvernements africains consacrent beaucoup d’efforts à changer les conditions des APE.[2] L’UE essaie de négocier avec les pays africains comme si les deux parties avaient les mêmes conditions de vie et comme si leurs économies avaient le même niveau de développement. Mais la réalité est toute différente dans les pays africains, où l’économie a besoin de mesures spéciales pour protéger leurs affaires et où il y a des indices élevés de pauvreté dans la société. Le niveau différent de développement économique, politique et humain requiert des mesures spéciales pour protéger leur population et garantir des accords justes.

 

L’UE insiste en disant que les APE sont une force motrice pour l’Afrique aussi bien que pour l’Europe. Cependant, les résultats espérés envisagent une croissance économique pour les sociétés européennes, tandis que les états africains peuvent avoir besoin de ressources supplémentaires pour améliorer leurs infrastructures, pour renforcer leurs économies et pour compenser la diminution de revenus causée par les APE.[3] Je considère que les inégalités entre les pays africains et l’UE indiquent des réalités économiques et sociales différentes, et qu’il en résultera fort probablement une mise en œuvre déséquilibrée des futurs APE. Dans cet article je fais remarquer quatre éléments qui devraient être considérés pour une négociation plus juste des APE.

 

En premier lieu. D’un point de vue économique, les conditions du marché dans l’UE assurent un système qui corrige les inégalités entre pays européens par des politiques économiques communautaires. Cependant, en Afrique, nous trouvons des réalités socio-économiques différentes parmi les régions et il n’y a pas de politique pour corriger une situation aussi déséquilibrée. Pour cette raison, les régions africaines devraient protéger leurs frontières par rapport aux produits européens et intensifier leur relation mutuelle pour renforcer leur marché régional. Les différents pays et régions d’Afrique devraient développer des stratégies à la fois pour promouvoir et ouvrir leurs marchés internes et pour soutenir leurs économies.[4] Une intégration solide du marché régional entre pays africains améliorera les conditions pour entrer en concurrence avec les économies développées de l’UE.   

 

En second lieu. Il y a une grande différence entre la manière dont l’UE et les pays africains ont structuré leurs systèmes fiscaux et celle dont ils financent leurs budgets pour la protection sociale. Une mise en vigueur finale des APE provisoires réduirait de manière significative les revenus des pays africains et, avec le secteur économique informel, ceux-ci auraient des difficultés à garantir un système social.[5] Les pays africains dépendent largement des revenus obtenus grâce aux droits d’import/export pour offrir certains services publics comme l’éducation et les soins de santé. L’exigence d’un marché libéralisé imposé par les APE limite le droit des pays africains à imposer des taxes d’import/export qui sont essentielles pour générer des revenus et assurer des services publics importants.

 

Troisièmement. Bien que la plupart des pays africains aient un système démocratique, il y a encore beaucoup d’institutions qui ont besoin de plus de participation et de systèmes de contrôle. Les APE exigeraient des institutions démocratiques contrôlant les négociations, les paiements, les investissements et surveillant la mise en œuvre de l’accord. Beaucoup de ressources, capacités et mises en œuvre au sujet des futurs APE devraient être renforcées afin d’être plus efficaces pour la population africaine. Des accords économiques justes peuvent aider à établir une justice sociale plus efficace en Afrique et à donner pleins pouvoirs à la fois à ses entreprises et à sa population.

 

Quatrièmement. Le niveau de développement humain établi par les Indicateurs internationaux de développement humain montre les différences entre l’Afrique et l’Europe.[6] Le facteur humain est important pour réussir en politique économique. Donner pleins pouvoirs aux gens signifie qu’ils ont davantage de contrôle sur leur vie en réduisant la pauvreté et en les libérant du pouvoir d’accords économiques injustes.[7] Une exécution juste des APE requiert le développement de conditions sociales telles que l’éducation, la santé, les conditions de travail, la démocratie, l’état de droit, les libertés civiles et les droits humains pour créer une croissance économique soutenue.

 

Pour un résultat gagnant-gagnant des négociations des APE entre l’Afrique et l’Europe, nous revendiquons le respect, pour que les pays africains décident à la fois le chemin de leurs économies et le modèle de développement. En même temps, l’Europe doit être consciente des conditions spéciales d’un continent et devrait éviter d’interférer dans les politiques économiques de l’Afrique. Beaucoup de pays africains sont dans une bonne position pour développer leurs économies, mais l’Europe ne peut pas oublier la condition fragile de beaucoup de pays qui luttent pour réduire la pauvreté. Une négociation juste d’un APE demande d’être conscient de la réalité de l’Afrique et de créer des mécanismes justes pour stimuler une croissance économique soutenue sans oublier le désavantage actuel des économies africaines.

 

Jose Luis Gutierrez Aranda         

AEFJN Policy Officer



[1] “ESA”, Afrique occidentale, communauté de développement d’Afrique australe, communauté d’Afrique orientale et Afrique centrale.

[2] Alors que l’Europe exige de libéraliser 80% du marché en 15 ans, des gouvernements africains et des organisations de la société civile considèrent qu’il suffirait de libéraliser 70% en 25 ans pour renforcer les économies africaines.

[3] Résolution de l’assemblée parlementaire conjointe ACP-UE sur les accords de partenariat économique, 17-19 juin 2013. http://www.europarl.europa.eu/intcoop/acp/2013_brussels/pdf/101293en.pdf

 

[4] African Economic Outlook (perspective économique africaine) 2013, Organisation de coopération et de développement économiques, programme de développement des Nations unies, Commission économique pour l’Afrique et Banque africaine de développement, 2013.

[5] Le secteur informel contribue pour environ 55% au PIB de l’Afrique sub-saharienne et pour 80% de la force de travail http://www.afdb.org/en/blogs/afdb-championing-inclusive-growth-across-africa/post/recognizing-africas-informal-sector-11645/

[7] Rapport sur le développement humain de l’Afrique, Programme de développement des Nations unies, New York, 2012. p.115.

 

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