Supprimer les subsides à l'exportation : une promesse non remplie ?

Agriculture
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La date limite imposée par l'Union Européenne aux pays africains pour signer les Accords provisoires de partenariat économique (iAPE) a intensifié les négociations dans les semaines passées[1]. Cependant les demandes principales des pays d'Afrique ne sont pas résolues. Parmi les difficultés de cet accord figurent les subsides à l'exportation aux cultivateurs européens, de même que le soutien aux revenus des agriculteurs européens, établi par la politique agricole commune (PAC)[2]. Ce support économique encourage les exportations des surplus de l’UE à des prix inférieurs au coût de production, condamnant les cultivateurs africains à la pauvreté car ils ne peuvent pas vendre à des prix compétitifs.

 

L'UE a proposé récemment de cesser les subsides à l’exportation sur tous les produits agricoles de l'UE importés dans des pays africains mais ceci à condition de signer les APE provisoires[3]. Cependant, ceci n'est pas une nouvelle concession, car l'UE avait déjà pris l'engagement de supprimer les subsides à l'exportation dans la dernière réforme de la PAC en 2013[4]. Avec ce genre de concession, l'UE veut pousser les pays d'Afrique à accepter les APE provisoires. De plus, nous pourrions demander jusqu'à quel point cette mesure suffit à restreindre les distorsions dans les marchés affectant les pays d'Afrique car les producteurs de l'UE reçoivent d'autres aides économiques telles que les encouragements à la production agricole et des payements directs pour améliorer leur compétitivité.

 

Le résultat de la réforme de la PAC en 2013 est que, d'une part, l'UE souhaite supprimer les subsides à l'exportation sur les produits agricoles européens et que, d'autre part, elle accorde des payements directs aux cultivateurs en raison d'autres concepts tels que la protection de l'environnement ou des innovations dans le développement rural. Ces soutiens économiques nouveaux ne sont pas faits dans le but de subsidier directement les exportations, mais ils produiront les mêmes effets de distorsion des marchés : les cultivateurs européens vont augmenter leur revenu et diminuer leurs risques, ce qui leur donne un avantage compétitif injuste par rapport aux cultivateurs des pays en voie de développement. En aidant à couvrir les frais fixes, on permet aux cultivateurs de produire à des prix plus bas en comparaison avec les compétiteurs non subsidiés[5].

 

D'un côté l'UE a annoncé la suppression des subsides à l'exportation mais, de l'autre, elle maintient un support économique à ses producteurs par des mesures directes. Ainsi, si des pays d'Afrique signent les APE provisoires, ce sont eux seuls qui feront une concession effective car ils perdront la possibilité d'appliquer des droits de douane aux produits en provenance de l'UE.

 

Durant les négociations des APE, les gouvernements des pays d'Afrique ont demandé que soient supprimés les subsides de l'UE à ses producteurs pour n'importe quel produit exporté vers des pays d'Afrique. La position des pays d'Afrique est que tout soutien économique à des cultivateurs européens est un obstacle pour arriver à un partenariat économique solide, car ces mesures apportent une distorsion dans le commerce entre l'Afrique et l'Europe. De cette manière le soutien économique aux agriculteurs européens empêche le développement de l'économie en Afrique car leurs prix doivent entrer en compétition avec des produits européens à des prix inférieurs.

 

Les gouvernements en Afrique et la société civile considèrent que la suppression de subsides seulement sur quelques biens et produits agricoles n'est pas suffisante. Dans cette ligne, les pays d'Afrique déclarent qu'il y eut des cas où certains produits, même non subsidiés, ont ruiné certains secteurs de l'économie africaine, à cause de la grande capacité de certains cultivateurs européens qui leur permet de produire à un coût moindre qu'en Afrique[6]. En conséquence les efforts économiques faits par les petits producteurs sont anéantis.

 

AEFJN avec la société civile, a plaidé pour un retrait inconditionnel de tous les subsides afin de permettre le développement des économies africaines, cela aurait pour conséquence une cohérence dans les politiques de l'UE dans le domaine de l'agriculture et du développement. La position européenne au sujet des APE provisoires reste inchangée malgré la situation de l'agro-industrie africaine actuelle et le niveau de développement de leurs économies. La proposition de l’UE de remplacer le système actuel de préférences, qui permet à des pays africains d'exporter sans droits de douane et sans quotas vers l'UE, par des accords avec des préférences réciproques qui font partie d’un APE global avec différentes régions africaines, serait une menace pour le secteur agricole africain.

 

La suppression des subsides à l'exportation pour l'UE doit exister sur tous les produits et elle ne peut pas être remplacée par un soutien direct du revenu. Dans tous les cas elle ne peut être un sujet de marchandage pour forcer la signature des APE provisoires par les pays d'Afrique. De même, les accords potentiels devraient protéger l'agriculture en Afrique, parce qu’il s'agit de la source principale de nourriture, de revenus et de moyens d'existence. Une fois de plus, l'UE oublie que la souveraineté qu'elle reçoit des citoyens européens doit être mise au service des personnes et non des intérêts des grosses compagnies et des producteurs[7]. Si L'UE veut augmenter sa production et croître économiquement, cela ne peut se faire au détriment des populations africaines.

 

José Luis Gutiérrez Aranda

AEFJN Policy Officer



[1] L’UE a fixé une date limite au 1er octobre de cette année pour la conclusion d’APE provisoires, sinon les pays qui ne sont pas les moins avancés perdront alors leur accès libre de droits et de quotas pour toutes les exportations vers l’UE.

[2] La PAC a établi des paiements directs, un mécanisme de gestion du marché et des politiques de développement rural qui visent à augmenter la compétitivité.

[3] Déclaration du Commissaire pour l’agriculture et le développement rural Dacian Ciolos. “A modern farming sector, producing in line with society's expectations”, International Green Week, January 2014.

[4] MEMO de la Commission Européenne, Bruxelles, 26 juin 2013

[5] Thomas Fritz, Globalising Hunger : Food Security and the EU’s Common Agricultural Policy (mondialiser la faim : la sécurité alimentaire et la politique agricole commune de l’UE)

[6] Volaille au Cameroun ou lait et coton au Burkina-Faso.

[7] Environ 40% du budget entier de l’UE ont été dépensés en subsides sous la politique agricole commune jusqu’en 2013.

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