1302 Le changement climatique, une menace pour la santé humaine en Afrique

La santé humaine est influencée par une série de conditions et de facteurs tels que l’accès à l’eau potable, une nourriture de qualité en suffisance, un abri, la qualité de l’air, l’état de l’environnement, les conditions de travail, le niveau de l’éducation, la génétique, les relations, la qualité des services de santé et des médicaments et l’accès à ceux-ci, etc. Les facteurs qui influencent la santé humaine sont appelés les déterminants sociaux de la santé. Ils sont façonnés par des politiques publiques qui dépendent des idéologies politiques des gouvernements et des institutions internationales. Le changement climatique, du fait qu’il influence les déterminants sociaux de la santé, constitue une menace importante pour la santé et représente un lourd fardeau humain, social et économique pour l’Afrique.

 

Bien qu’il n’y ait pas d’évaluation globale de l’effet du changement climatique sur la santé dans les pays africains, on estime que le coût sera élevé pour le continent. Le modeste réchauffement qui s’est produit depuis les années 1970 avait déjà causé avant l’année 2004 plus de 140.000 décès supplémentaires annuels [1]. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que les coûts globaux des dommages directs à la santé (c.-à-d. en excluant les coûts des secteurs déterminants pour la santé tels que l’agriculture, l’eau et les installations sanitaires), seront entre 2 et 4 milliards de dollars US d’ici 2030[2]. Plusieurs des tueuses principales d’Afrique, comme les maladies diarrhéiques, la malnutrition et la malaria, sont très sensibles au climat et on s’attend à ce qu’elles empirent à mesure que le climat change. Le changement climatique causera une augmentation de 5 à 7% de la population à risque en Afrique : jeunes enfants, adultes aînés, sociétés traditionnelles, fermiers qui pratiquent l’agriculture vivrière, populations rurales, urbaines pauvres et du littoral. La faible infrastructure de santé sur le continent est un fardeau supplémentaire.

 

Le changement climatique représente un problème de santé publique car il affecte la santé de plusieurs manières différentes.

 

Les changements de température altèrent la distribution géographique des insectes, des escargots et des animaux à sang froid qui transmettent des maladies. L’impact de la distribution et de la transmission saisonnière de maladies transmises par des vecteurs, comme la malaria (moustique anophèle), la maladie du sommeil (mouche tsé-tsé) et la schistosomiase/bilharzia (un escargot) se fait déjà sentir et, selon les projections, s’élargira de manière significative. La malaria a déjà augmenté dans les régions montagneuses d’Afrique à cause de changements du climat et de pratiques d’usage des terres. Des études [3] suggèrent que le changement climatique pourrait exposer 2 milliards de personnes de plus à la transmission de la dengue d’ici 2080.

 

Depuis 1970, les catastrophes naturelles se sont aggravées à cause du changement climatique. Ceci a causé plus de 60.000 décès par an, principalement dans les pays en développement. Les impacts de ces catastrophes (inondations et sécheresses) font croître le risque de maladies contagieuses et, avec l’élévation du niveau des mers, ils créent beaucoup de stress, augmentant les maladies mentales. Des pluies torrentielles et des inondations peuvent aussi contaminer les réserves d’eau douce et augmenter le nombre de parasites transmis par l’eau, qui causent des maladies diarrhéiques, tuant 2,2 millions de personnes chaque année. Les inondations peuvent élargir les zones de reproduction des moustiques, accroissant la malaria, et elles peuvent détruire des infrastructures et des services, en désorganisant les services de soins de santé.

 

Les changements des cycles de précipitations influencent l’agriculture familiale et les rendements. Dans le cas des pays africains, l’impact est surtout négatif. On estime que la production des aliments de base pourrait diminuer jusqu’à 50% d’ici 2020. Ceci augmentera la malnutrition et la maladie. D’ici les années 2090s, on estime que le changement climatique élargira la région affectée par la sécheresse, doublera la fréquence des sécheresses extrêmes et multipliera par 6 leur durée moyenne [4]. La sécheresse favorise la propagation de l’épidémie de méningite à méningocoque, qui se produit durant la saison sèche, principalement dans la ceinture de méningite, qui s’étend du Sénégal à l’Ouest jusqu’à l’Ethiopie à l’est. On prévoit que les pires de ces effets se produiront dans les pays en développement, parmi les populations vulnérables.

 

L’action est urgente!

 

Chaque personne, communauté ou pays a une part de responsabilité dans le changement climatique et son impact sur la santé. Notre comportement et notre choix de style de vie sont une opportunité de diminuer ou d’aggraver l’impact du changement climatique sur la santé. Nous pouvons réduire la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre en faisant usage des transports publics, en adoptant le cyclisme ou la marche comme alternative aux véhicules, en consommant moins de viande, en mangeant des légumes et fruits de saison, en utilisant l’énergie verte, en recyclant et réparant des appareils, en achetant des produits en gros et avec le minimum d’emballage, en évitant le gaspillage de nourriture… Nous pouvons aussi contribuer à créer une prise de conscience et plaider pour des politiques qui réduisent la consommation d’énergie, les émissions de gaz à effet de serre et qui produisent de grands avantages pour la santé.

 

Des pays et des communautés en Afrique prennent déjà des mesures pour diminuer le changement climatique (“mitigation”) et réduire son impact sur la santé maintenant et pour les générations futures (“adaptation”). Les méthodes traditionnelles d’adaptation des fermiers à différentes précipitations, ainsi que des systèmes de santé et sécurité publiques, peuvent aider. Investir dans les secteurs de la santé, de l’eau et de l’énergie et développer une infrastructure sont d’autres manières de s’adapter à la variabilité du climat. Il faut que les efforts soient renforcés dans chaque pays, mais la communauté internationale et surtout les pays riches ont une responsabilité, non seulement de diminuer leurs émissions et leur consommation d’énergie, mais aussi d’assister et de soutenir des pays en développement pour réduire la vulnérabilité de leur santé au changement climatique et renforcer leurs systèmes de santé.

 

Begoña Iñarra

Secrétaire exécutive d’AEFJN

 


[1]. Global health risks: mortality and burden of disease attributable to selected major risks. Assessment World Health Organization, Geneva, 2009. ((Risques globaux pour la santé : mortalité et fardeau de maladies attribuables à des risques majeurs sélectionnées, Evaluation de l’Organisation Mondiale de la Santé, Genève, 2009)

[2]  WHO Fact sheet N°266 on Climate Change and Health. (OMS, Feuille d’information n° 266 sur changement climatique et santé)

[3]. Hales S et al. Potential effect of population and climate changes on global distribution of dengue fever: an empirical model. The Lancet, 2002. (Effet potentiel des changements de population et de climat sur la distribution mondiale de la fièvre dengue : un modèle empirique)

Go back