Une transaction commerciale qui nuira à l’accès aux médicaments

Demonstration in India against the FTA India-EU / Manifestation en Inde contre l'accord de libre commerce India-EU.

 

 

 

L’UE est en train de faire pression sur l’Inde pour qu’elle signe l’Accord de libre échange UE-Inde d’ici avril. Différentes campagnes et exigences du gouvernement indien ont amené l’UE à enlever du texte en cours de négociation certaines dispositions qui nuisent à l’accès aux médicaments, par exemple, des essais d’extension de la durée des brevets. Il reste cependant la mise en vigueur de la propriété intellectuelle et des dispositions sur l’investissement qui nuiront à l’accès des gens aux médicaments, non seulement en Inde mais aussi à travers le monde en développement, car l’Inde est le principal producteur de génériques et d’ingrédients actifs. La précipitation n’aidera pas à enlever ces dispositions nuisibles.

 

Les dispositions de mise en vigueur de la propriété intellectuelle ouvriraient la porte à des pratiques abusives de sociétés multinationales qui pourraient potentiellement bloquer l’exportation de médicaments génériques à partir de l’Inde en les retardant, les saisissant, les gardant et les détruisant au cours de leur transit à travers des pays européens (mesures de frontière). Or ces médicaments sont une ligne de sauvetage pour des millions de gens en Afrique. Des sociétés pourraient aussi attirer des tierces parties, y compris des fournisseurs d’ingrédients pharmaceutiques actifs utilisés pour produire des médicaments génériques, et des fournisseurs de traitements comme MSF, en les empêtrant potentiellement dans des procès, simplement pour le fait d’acheter ou de distribuer des médicaments génériques. Ceci constituerait des pertes économiques sévères. Les mesures cherchent aussi à freiner le pouvoir judiciaire en Inde car les tribunaux cherchent à équilibrer les droits de propriété intellectuelle avec le droit constitutionnel des gens à la santé.

 

Les mesures sur l’investissement permettraient à des sociétés multinationales d’intenter des procès au gouvernement indien pour des milliards de dollars dans des équipes d’arbitration privées si les lois, politiques, décisions de tribunaux nationaux ou le bureau des brevets rejetaient, supprimaient ou révoquaient un brevet en vue d’augmenter l’accès aux médicaments, ou pour toute action perçue comme interférant avec les investissements et les bénéfices possibles, même si les actions du gouvernement étaient en accord avec sa constitutions et les lois nationales.

 

Face à ces dangers, un Comité parlementaire régulier indien a décidé d’examiner l’impact d’accords de libre échange sur l’accès aux médicaments. Mais le danger existe que les négociateurs indiens cèdent à la pression de l’UE et choisissent de conclure hâtivement les conversations et signent l’accord avant que le rapport ne soit terminé. Une fois signé, l’accord deviendra légalement contraignant, en établissant un précédent pour la mise en vigueur de la propriété intellectuelle et des normes d’investissement dans tous les accords commerciaux futurs entre l’Inde et les pays développés (USA, EFTA). Il établit aussi un précédent négatif pour d’autres gouvernements de pays en développement (par ex. la Thaïlande) qui sont aussi mis sous pression par l’UE pour accepter des dispositions de propriété intellectuelle également nuisibles. Comme l’Inde est déjà obligée par les règles commerciales internationales (Organisation Mondiale du Commerce) à accorder des brevets aux nouveaux médicaments, la production de médicaments abordables et leur accès deviennent déjà plus difficiles.

 

Cependant en 2010 – 2011, la Commission Européenne a agréé de retirer du texte des négociations deux dispositions nuisibles sur la propriété intellectuelle. Le Commissaire Européen pour le Commerce, De Gucht a déclaré en mai 2010 que les négociateurs de la CE ne poursuivraient plus la question de la protection supplémentaire, puis en 2011 il a promis de se débarrasser de la nuisible clause d’exclusivité dans le texte de l’Accord de libre échange UE/Inde. Mais la Commission Européenne est maintenant en train de pousser astucieusement les dispositions de mise en vigueur de la propriété intellectuelle et d’investissement dans les négociations d’accord de libre échange avec l’Inde. “L’UE ne peut pas prétendre qu’elle soutient l’accès aux médicaments et qu’elle se préoccupe des vies des patients dans les pays en développement, et dans le même souffle pousser de rudes dispositions autour de la mise en vigueur de la propriété intellectuelle en Inde,” dit Loon Gangte de DNP+. “Ce que l’UE veut dans cette transaction commerciale posera une grande menace pour l’accès futur à des médicaments génériques abordables, y compris les médicaments dont j’ai besoin pour le VIH. Nous sommes ici pour dire à l’UE qu’elle ne peut pas pousser à cette transaction sans une lutte, et nous sommes ici pour dire à l’Inde de ne pas céder à la pression.”

 

Il faut que nous écrivions des lettres, des appels et des pétitions aux Ambassades de l’Inde dans notre pays, demandant que les décideurs ne cèdent pas à la pression de l’UE et qu’ils poussent fort pour la suppression des mesures de mise en vigueur de la propriété intellectuelle et des dispositions pour l’investissement dans l’Accord de libre échange UE-Inde.

 

Begoña Iñarra

AEFJN 

 

 

 

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