Vers un meilleur contrôle des transferts d’armes
Janvier 2013
En décembre AEFJN a participé à la réunion annuelle de COARM (Groupe de travail de l’UE sur le contrôle des armes) avec des ONG qui travaillent sur les transferts d’armes. Des représentants des ministères des états membres de l’UE et de la société civile ont mis en question l’accord des critères de la Position commune avec l’objectif pour lequel ils avaient été établis et les prochaines négociations sur le Traité de commerce des armes (TCA) en mars 2013. Le second jour, les ONG ont établi un agenda d’action pour l’année à venir.
Révision de la Position commune de l’UE. L’Union Européenne (UE) a fait des efforts pour renforcer et harmoniser les politiques d’exportations d’armes des états membres, particulièrement grâce au Code de l’UE de 1998 et à son successeur, la Position commune de l’UE de 2008 sur les exportations d’armes, un instrument légalement contraignant. Le but des deux législations était de renforcer et d’harmoniser les politiques d’exportation d’armes des états membres et de créer des mécanismes de consultation et d’échange d’informations pour arriver à une interprétation commune de critères agréés pour évaluer les transferts d’armes. Cependant ces instruments ont rencontré des critiques lorsque certains états membres de l’UE ont exporté des armes vers des états du Moyen Orient et d’Afrique du Nord dans les années précédant le printemps arabe. Ce fait a mis en question dans quelle mesure la Position commune de l’UE a vraiment mené à une harmonisation des politiques d’exportation d’armes des états membres. En 2012 des états membres de l’UE ont entrepris une Révision de la Position commune de l’UE. La discussion lors de la réunion COARM-ONG s’est focalisée principalement sur une meilleure guidance pour la prise de décision pour des licences d’exportation. Différents ministères ont présenté l’état de la Révision et des changements et une discussion a suivi, en relation aux additions de la Révision au guide de l’utilisateur qui concerneront le critère 7[1] (danger de détournement des armes) et le critère 8[2] (compatibilité de la capacité économique du pays receveur et de ses dépenses en armes par rapport à l’impact dans la sphère sociale). Safeworld a une analyse de la manière dont le critère 7 a été appliqué par différents états membres en vue d’éviter le détournement d’armes. Alors que les gouvernements croient que les critères actuels sont suffisants, bien qu’ils expérimentent des difficultés pour avoir des informations spécifiques sur les « utilisateurs finaux », la société civile voit que ces critères ne sont pas suffisants en “pratique” et qu’ils doivent être renforcés pour inclure la gouvernance, la corruption, la démocratie et la violence basée sur le genre. Comme résolution, la société civile a décidé de contacter des membres du Parlement européen intéressés aux transferts d’armes pour voir ce qu’ils peuvent faire pour influencer la Révision du Code de conduite de manière à renforcer les critères 7 et 8.
D’autres thèmes de discussion étaient : le renforcement de l’embargo lorsque des armes transitent par des états membres de l’UE, les nouvelles technologies, des modèles de coopération industrielle et des mécanismes de contrôle, et leurs implications pour les contrôles de transfert de l’UE, et l’usage d’avions téléguidés (drones) et l’usage futur de systèmes autonomes et d’autres technologies émergentes qui pourraient avoir un impact sur les contrôles de transferts.
La Conférence sur le Traité de commerce des armes (TCA) en mars 2013. La seconde partie de la réunion était consacrée à la poussée finale nécessaire pour le TCA. Le consensus n’est plus un problème lors de la future Conférence sur le TCA, mais la Syrie, l’Iran et la Russie (principal exportateur d’armes) pourraient la bloquer. Dans ce cas le président de la Conférence devra porter le traité à l’Assemblée générale de l’ONU où il serait voté. Le document de 2012 sera la base pour les négociations. Bien que nous ne puissions pas obtenir le « TCA parfait », nous devons garder un équilibre entre ambition et réalisme, tout en luttant pour un traité fort. Pour obtenir un document légal, il est important d’avoir l’accord des principaux pays exportateurs d’armes. Même s’il est faible, le TCA représentera une « révolution » car il n’existait pas précédemment de normes internationales pour les transferts d’armes.
La lutte pour un TCA fort est orientée vers la diminution de la souffrance des gens, victimes directes ou indirectes des armes. Nous n’avons qu’à regarder ce qui se passe en Syrie, en RD Congo, au Mali… Lorsqu’au Burundi une grenade coûte la même chose qu’un verre de bière, la question récurrente est : « Comment la vente de bananes est-elle plus réglementée et contrôlée que la vente d’armes qui tuent ? »
Le rôle de la société civile au cours de ces derniers mois avant les négociations est de garder la question dans les media, de mettre la pression sur les gouvernements. La question des munitions est vitale pour l’Afrique. Comme stratégie de plaidoyer, il a été proposé d’utiliser des ministères importants tels que le RU, l’Allemagne et le Danemark qui sont très francs dans la discussion, aussi bien que des dames africaines et des délégués de prix Nobel. Des chefs religieux et des communautés religieuses pourraient aussi être importants pour pousser à un TCA fort, comme les dirigeants de plusieurs religions rassemblés à Kigali en mars 2012 ont fait la Déclaration interconfessionnelle de soutien à un Traité de commerce des armes. (http://controlarms.org/wordpress/wp-content/uploads/2011/09/Multi-faith-ATT-Declaration_2011_Sep14_FR.pdf )
La réunion des ONG s’est focalisée sur la manière de coopérer à l’avenir pour une plus grande efficacité. Les organisations qui travaillent sur le contrôle des armes qui sont présentes à Bruxelles se réuniront régulièrement pour suivre ce qui se passe au niveau de l’UE et influencer les institutions de l’UE ; Le groupe ébauchera un autre Livre noir sur les exportations d’armes à partir de pays de l’UE, en utilisant du matériel existant.
Begoña Iñarra
Secrétaire exécutive d’AEFJN
[1] Critère 7 de la Position commune de l’UE sur l’exportation d’armes : les états membres examineront le risque que les biens puissent être détournés à l’intérieur du pays acheteur ou réexportés dans des conditions indésirables.
[2] Critère 8 de la Position commune de l’UE sur l’exportation d’armes: les états membres évalueront la compatibilité de l’exportation d’armes par rapport à la capacité technique et économique du pays receveur et sa légitimité en considérant les niveaux relatifs des dépenses militaires par rapport à ses dépenses dans la sphère sociale.