1405 L’évasion fiscale: pas un problème légal mais un problème d’attitude

www.afrikanspot.com

  Le phénomène de l’évasion fiscale est répandu parmi les compagnies transnationales autour du monde, empêchant les pays hôtes d’acquérir suffisamment de revenus provenant des taxes. L’évasion fiscale est une des principales causes structurelles de la pauvreté dans le monde, car elle implique un transfert massif de richesse des pays pauvres aux pays riches et elle facilite les pratiques criminelles et la corruption.

 

Pour les pays en voie de développement, l’évasion fiscale par des compagnies étrangères qui opèrent sur leur territoire est un problème supplémentaire pour leurs budgets limités. En Afrique, cette pratique a des conséquences dramatiques pour les personnes qui vivent en pauvreté et pour leurs sociétés, dont les gouvernements ont des problèmes pour assurer à la population des services de base tels que les soins de santé et l’éducation pour tous les citoyens.

 

Les compagnies utilisent plusieurs méthodes pour éviter de payer des taxes. Certaines d’entre elles sont convenues entre différentes compagnies via une manipulation des prix et la production de fausses factures ; d’autres, cependant, sont pratiquées entre des compagnies qui, en fait, appartiennent au même groupe et qui sont basées dans des paradis fiscaux pour transférer leurs profits.[1] Mais la méthode la plus injuste d’évasion fiscale a lieu lorsque de grandes entreprises et des donateurs poussent les gouvernements de pays en voie de développement à donner des incitants fiscaux à des compagnies étrangères qui opèrent sur leur territoire grâce aux soi-disant incitants fiscaux.

 

La plupart des incitants fiscaux en Afrique sont appliqués à l’exploitation de ressources naturelles ou pour des compagnies d’agro-industrie. Ces incitants fiscaux sont négociés derrière des portes closes et il n’y a pas de mécanisme de contrôle. Normalement, ils ne nécessitent pas l’approbation de parlements nationaux et ils sont une porte ouverte à la corruption des gouvernements et des autorités locales. Avec des incitants fiscaux, les gouvernements de pays en voie de développement accordent des dispenses fiscales à des compagnies qui démarrent un nouvel investissement dans le pays hôte. En retour, les compagnies s’engagent à apporter un nouvel élan à l’économie locale des lieux où elles sont en fonction.[2]

 

Les montants des taxes que les compagnies transnationales évitent de payer sont des revenus que les gouvernements dans les pays en voie de développement ne reçoivent pas et qui ne peuvent être utilisés pour des services sociaux ou pour stimuler le développement. On a calculé que l’évasion fiscale coûte au monde en voie de développement au moins 160 milliards de dollars US par année en revenus perdus, ce qui représente presque le double de l’aide au développement reçue par les pays en voie de développement. Ceux-ci seraient moins dépendants de l’aide si l’évasion fiscale était poursuivie plus efficacement.

 

L’évasion fiscale, des transferts illicites de richesse et des pratiques de prix peu équitables sont des problèmes complexes qui devraient être traités avec des solutions multilatérales par des institutions internationales, des gouvernements nationaux, la société civile et des compagnies transnationales, travaillant ensemble et cherchant des solutions réalistes pour mettre fin à l’évitement des taxes. Par exemple, la société civile africaine peut exiger que ses gouvernements répondent à des normes plus élevées de transparence, et les gouvernements des pays en voie de développement devraient exiger la même chose des compagnies enregistrées dans leurs juridictions.[3]

 

L’évasion fiscale ralentit la croissance économique durable et empêche le développement des pays parce que ces revenus ne peuvent être investis dans le développement du pays ou pour augmenter le bien-être de la population. Si les pays pouvaient augmenter leurs revenus grâce aux taxes, les gouvernements auraient la possibilité de créer des emplois, de développer leurs infrastructures, d’améliorer la qualité de l’éducation, d’améliorer le système de soins de santé, et ainsi de suite.

 

Les grandes multinationales opèrent sous le parapluie de la légalité ou en prenant avantage des failles dans la légalité des pays en voie de développement. Pour cette raison, des réformes financières internationales sur le commerce global doivent être entreprises pour corriger le comportement des multinationales qui évitent les taxes. Différentes initiatives pour corriger l’évasion fiscale sont appliquées dans des pays africains comme le Ghana, la Zambie ou le Kenya, mais parfois ces mesures doivent être accompagnées de réformes dans les pays développés parce que le manque de réglementation permet à leurs compagnies d’opérer dans des paradis fiscaux. Par exemple, 98 % des grandes compagnies du Royaume-Uni ont certaines de leurs filiales enregistrées dans des paradis fiscaux.

 

Les gouvernements nationaux et des institutions internationales telles que l’Union Européenne doivent éliminer l’évasion fiscale et la corruption associée à ces pratiques, qui nuisent à l’économie des pays pauvres. La croissance économique est inutile si elle ne réduit pas l’inégalité au sein de la population et s’il n’y a pas une distribution équitable des bénéfices. L’usage de l’argent provenant d’une taxation équitable dans les pays en voie de développement est essentiel pour améliorer les services sociaux et pour travailler en vue de plus de justice globale. Mais les choses ne changent pas uniquement par un ordre légal parfait, mais sur la base d’un changement d’attitude de ceux qui accaparent la richesse mondiale.

 

 

Jose Luis Gutierrez Aranda

AEFJN Policy Officer



[1]Voir Prats, Álex “La ‘noviolencia’ en África: la actualidad de la paz”. Revista Nova Africa número 28, julio de 2012.

http://www.novaafrica.net/index.php/articulos/101-fugadecapitales

[2] ActionAid, donnez-nous une pause, comment les grandes compagnies obtiennent des transactions sans taxe, 2013. http://www.actionaid.org/australia/publications/give-us-break-how-big-companies-are-getting-tax-free-deals

Go back