Les diamants sales de l’Afrique

La Banque Mondiale
Corresponsaldepaz


Créé en 2000 par l’ONU, le Processus de Kimberley est chargé de contrôler que la vente de diamants ne finance pas de conflits comme ce fut le cas au Libéria, en Sierra Leone, en Angola et en RDC dans les années 1990 (film « Les diamants du sang »). Réunis à Johannesburg le 19 novembre 2013, les producteurs de diamants ont refusé d’aller vers plus de transparence. « Le Processus de Kimberley n’a pas vocation à faire cesser les atteintes aux droits de l’homme », a affirmé le représentant de l’Afrique du Sud, Welile Nhlapo, renvoyant cela aux autres mécanismes de l’ONU. Il en va, selon lui, de la crédibilité et de l’existence même de cette « initiative unique » qui regroupe des représentants d’ONG, des entreprises productrices et 81 pays, tous tenus de contrôler les importations et les exportations de diamants. Une explication alambiquée qui n’a pas convaincu plusieurs ONG qui ont appelé le Processus de Kimberley à se réformer de manière urgente.

 

     En juin 2011, l’association Global Witness avait déjà claqué la porte pour dénoncer le manque de transparence et la complaisance envers le Zimbabwe. En effet, en 2009, l’armée zimbabwéenne avait investi brutalement les champs diamantifères de Marangue, chassant les petits producteurs, faisant au passage plusieurs centaines de morts et provoquant le déplacement de plusieurs dizaines de milliers de personnes. Mais les autres ONG encore dans le Processus veulent savoir aujourd’hui « où va l’argent des diamants », comme l’a lancé un militant du Zimbabwe, Shamiso Mtisi. Une des réponses possibles est simple. Il a servi à payer des Israéliens (Organisation Nikuv International Projects) qui ont soigneusement planifié et organisé « à leur manière » les dernières élections fin juillet 2013 qui ont vu la victoire surprenante de Robert Mugabe, âgé de 89 ans, au pouvoir depuis 33 ans. Malgré les protestations de l’opposant Tsvangirai et des Eglises, personne n’a osé mettre en cause celui qui avait chassé les Blancs de leurs terres et qui, pourtant, a affamé son peuple et détruit l’économie florissante de son pays. De ce fait, des Israéliens auraient ainsi aidé à fausser l’évolution démocratique du Zimbabwe, comme ils avaient soutenu l’Afrique du Sud de l’apartheid avec leurs experts militaires.

 

     Aujourd’hui, le problème des diamants se pose avec la République Centrafricaine en état de décomposition et qui, officiellement, ferait vivre le quart de sa population avec l’industrie des diamants qui est la principale source de recettes du gouvernement. Placée en dixième place de la classification mondiale pour la quantité de diamants extraits de son territoire, la Centrafrique est en revanche à la quatrième place pour la qualité de ses pierres précieuses, avec une production de plus de 350 000 carats par an. Les sanctions en vigueur depuis le mois de mai dernier interdisent théoriquement les exportations, mais pas la production. On se demande alors ce qu’il en est des réserves stockées depuis lors dans ce pays devenu ingérable où la fraude règne implacablement. Les autorités de Bangui auraient assuré avoir le contrôle des zones de production de diamants. Mais avec le chaos actuel, à qui profite ce butin ? Aux rebelles du Seleka, aux milices d’auto-défense, à l’armée, aux ministres ? C’est sans doute pour cela qu’ils se battent tous. Pourquoi une dizaine de soldats sud-africains se sont-ils fait tuer alors qu’ils essayaient au printemps dernier de protéger l’ancien président Bozizé ? Parce que les cadres de l’ANC du président sud-africain Zuma y possèdent des mines de diamants, ce qui a outré l’évêque Tutu qui a affirmé qu’il ne votera plus pour l’ANC.

 

     Les dilemmes moraux soulevés par le commerce opaque du diamant sont patents. Ils ont servi à alimenter de nombreuses guerres, comme aussi en Angola dans les années 1970, période de la guerre froide où les grandes puissances Est-Ouest s’affrontaient par peuples interposés. Savimbi de l’UNITA s’en servait pour payer les soldats sud-africains qui le soutenaient contre le MPLA de Dos Santos (encore au pouvoir aujourd’hui), qui, lui, payait avec pétrole et diamants les soldats cubains et de l’Allemagne de l’Est. Pour Martin Rapaport, seules les grandes compagnies comme De Beers (Afrique du Sud), Alrosa (Russie), Rio Tinto (Anglo-Australie)) et Aber (Canada) sont capables de conduire des opérations de suivi « de la mine à la bague » pour être sûres de leur « innocence »… Quoi qu’il en soit, les remarques négatives du représentant sud-africain du Processus de Kimberley jettent une lumière trouble sur ce commerce qui, la crise aidant, devient plus important que l’or, l’argent et l’immobilier. Anvers, Singapour, l’Inde, la Chine, Israël et New York, mais aussi le nord-ouest du Canada, en sont devenus les centres névralgiques. Un nouveau Far West, paraît-il. Peut-être une nouvelle malédiction…

 

Christine von Garnier,

Réseau Afrique Europe, Antenne Suisse

 

 

Go back