1410 Transparence contre volonté politique en Afrique et en Europe

Plant de tomates périmé
Partners for Democratic Change

Le comportement des sociétés extractives européennes (mines et pétrole) qui travaillent en Afrique est souvent critiqué pour de nombreux abus commis dans l’exploitation des ressources naturelles. Ces abus vont des négociations secrètes entre les sociétés et les gouvernements africains à des violations de droits fondamentaux des travailleurs et des populations affectées, aussi bien qu’au manque de contrôle des minerais exportés, aux taxes limitées payées aux pays hôtes ou au manque de responsabilité sociale des sociétés pour les dommages à l’environnement causés par l’industrie extractive. Cet article veut montrer comment la transparence est une valeur ajoutée pour l’exploitation correcte des ressources minérales en Afrique, mais qu’elle n’est pas suffisante pour un impact positif sur la population africaine en général.

 

La position de l’Union Européenne

 

Jean-Claude Juncker, le nouveau président de la Commission Européenne, a fait de l’éthique et de la transparence un élément central de son nouveau mandat, et Cecilia Malstrom, la nouvelle Commissaire au Commerce, a répété la même idée lors de son audition au Parlement Européen. En ce sens, au niveau de l’Union Européenne (UE), deux initiatives ont été approuvées concernant la transparence de grandes sociétés engagées dans le secteur extractif. En juin 2013, la Directive sur les déclarations financières annuelles 2013/34/EU[1] (appelée “Rapport pays par pays”) selon laquelle les grandes sociétés extractives doivent rapporter les paiements qu’elles font à chaque pays où elles opèrent ; leur rapport doit contenir des informations sur les profits, les taxes sur les profits et les subsides publics reçus. Tout récemment, en septembre 2014, l’UE a adopté le ² Rapport non financier²[2], une directive pour la divulgation d’informations non financières par certaines grandes sociétés, concernant les questions environnementales, sociales et relatives aux employés, le respect des droits humains et les questions de corruption. Ces deux directives de l’UE sont un premier pas pour arriver à davantage de transparence dans le secteur de l’industrie extractive. Mais ces initiatives courent le risque d’être nées inutilement à cause du manque de volonté politique puisque les politiciens s’inquiètent davantage d’assurer l’accès aux ressources naturelles des pays africains que de promouvoir la transparence dans la bonne gouvernance du secteur extractif.

 

Le “Rapport pays par pays” a émergé comme le besoin de faire cesser des paiements secrets de sociétés extractives aux gouvernements des pays où ces sociétés opèrent, en Afrique pour la plupart d’entre elles. Cette directive établit le devoir de divulguer tous les paiements faits aux gouvernements sur des projets qui valent plus de 100.000 euros, y compris les taxes, les droits d’auteur et les redevances pour les licences dans tout pays où ces sociétés opèrent. Cependant, il est rare qu’une somme aussi élevée soit payée en Afrique pour les sociétés. Ainsi, si ces paiements sont aussi élevés, alors les sociétés extractives continueront d’omettre la transparence, ce qui leur permettra d’agir dans l’impunité comme elles l’ont fait jusqu’à présent. Ce montant irréaliste a été dénoncé par la société civile impliquée dans le processus législatif de la Directive, mais une fois de plus, la critique a été ignorée en faveur des grandes sociétés.

 

Quelque chose de semblable se passe pour la Directive pour la divulgation d’informations non financières, où seules les grandes sociétés sont obligées de divulguer l’information exigée. Le risque existe toujours que les grandes sociétés vont se scinder ou faire sous-traiter des activités par des sociétés plus petites pour éviter la législation. Ainsi, cette initiative a été créée pour un nombre beaucoup plus réduit de sociétés. De plus, la Directive n’a pas un chapitre spécifique pour les sociétés extractives. Celles-ci choisiront librement quelles lignes de conduite elles adopteront pour divulguer une telle information, et il n’y a pas de sanction pour les sociétés qui ne se soumettront pas à cette directive. Les sociétés pourront faire passer leur intérêt économique avant les exigences de la législation.

 

Le manque de volonté politique

 

C’est pourquoi ce qui aurait pu être une opportunité pour améliorer la transparence et renforcer le processus démocratique des pays affectés reste comme un ensemble de législation faible et de lignes de conduite volontaires sans exigences pertinentes sur les grandes sociétés qui opèrent en Afrique. L’impact du secteur extractif parmi la population africaine est en train d’augmenter sans contrôle et les conséquences affectent non seulement le pillage des ressources naturelles africaines mais elles limitent le développement économique et dégradent l’environnement.

 

Certainement, pour les sociétés extractives, il n’y a pas de lien direct entre la transparence et les conditions de vie de la population affectée. Mais la transparence du secteur extractif pourrait aider à conscientiser les communautés affectées, aboutir à une stabilité plus démocratique et au développement économique des pays d’Afrique aussi bien qu’à la protection environnementale des régions minières.

 

Pour cette raison, je considère que les nouvelles règles de l’UE pour le secteur extractif ne sont pas suffisantes. Les mesures de transparence sont bienvenues mais un manque d’engagement politique de l’UE les rend inadéquates. La transparence est une responsabilité de tous les actionnaires dans le processus des industries extractives, elle implique les pays d’Afrique exportateurs de minerais, les pays d’où l’industrie extractive est originaire et les sociétés extractives elles-mêmes.

 

L’UE a la responsabilité d’établir une législation cohérente du secteur extractif à l’œuvre à l’étranger, spécialement en Afrique où beaucoup de pays dépendent de leurs ressources naturelles et des gains de leurs exportations. Le secteur extractif ne peut pas travailler impunément et n’être guidé que par des lignes de conduite volontaires. Si l’UE maintient ces directives, elle sera complice de l’appauvrissement des pays en voie de développement et elle développera un système néocolonialiste où elle tirera avantage des matières premières des pays africains sans aucun intérêt pour le sort de leur population.

 

 

José Luis Gutiérrez Aranda         

AEFJN Policy Officer

Go back