1402 Non au commerce du carbone et à la croissance infinie

© Center for Progressive Reform

Les climatologues ont appelé à prendre des mesure urgentes pour réduire globalement les émissions de gaz à effet de serre pour éviter une augmentation des températures de l’ordre de 3 à 4 degrés C° et ce avant 2100. Une telle augmentation entrainera une fonte des glaces polaires, l’augmentation du niveau des mers d’environ 25 mètres et donc la disparition de plusieurs villes et de nombreuses îles. L’accroissement des températures détruira également des écosystèmes compromettant globalement la sécurité alimentaire, certains endroits devenant inhabitables pour les humains et d’autres espèces.[1] Il est donc évident que le changement climatique est un des plus grands défis futurs pour l’humanité.

 

Dans le monde industrialisé, l’Union Européenne (UE) est la plus ambitieuse dans son engagement dans la réduction des émissions. Pour 2030, la Commission Européenne a proposé un nouvel objectif d’une réduction de 40% des émissions, objectif encore à être approuvé par le Conseil Européen. Les spécialistes de l’environnement pensent que l’objectif proposé n’est pas suffisant pour prévenir un réchauffement global non contrôlé. Les mots clés du nouveau paquet de l’UE pour le climat sont compétitivité, durabilité et sécurité de la fourniture d’énergie et nouvelles opportunités de croissance et de travail.[2] Mais cette logique néolibérale de « croissance infinie » peut-elle s’appliquer à la protection du climat dans une économie de surconsommation de ressources naturelles finies ?

 

Etablir des objectifs est une chose, mais comment peut-on évaluer les méthodes de l’UE pour y arriver ? La pierre angulaire de la politique UE en matière e climat et d’énergie restera le Système communautaire d'échange de quotas d'émission (SCEQE) (anglais : ETS Emissions Trading System). Toutefois, il ya de sérieux doutes quant à la réduction effective des émissions par le système SCEQE. Tout d’abord, le SCEQE n’est qu’une partie du problème car il met l’accent sur le côté production des émissions et toutes les industries ne sont pas incluses dans le SCEQE. Le SCEQE combine les règlements conventionnels avec une logique de marché : les décideurs politiques établissent des seuils ou limites pour l’émission des gaz à effets de serre (GES) et le commerce du carbone incite les industriels à utiliser des technologies plus propres dans leurs processus de production.

 

Comment maintenant le système de commerce de carbone fonctionne-t-il ? Il  y a deux mécanismes principaux pour le SCEQE: le commerce des crédits carbone et la compensation des émissions. Tout d’abord, si une industrie pollue plus que la limite autorisée, elle doit acheter des crédits carbones d’autres industries qui économisent leurs crédits carbones en conservant leurs émissions en dessous du seuil. Cependant, le SCEQE a été lancé avec un défaut : dans la phase de démarrage, des droits d’émission ont été OCTROYEES à des industries polluantes, conduisant à un excès de droits d’émission. Ceci a crée un marché excédentaire pour les émissions,  maintenant le prix des crédits carbone à un niveau bas. En conséquence, les industries polluantes n’ont aucun stimulant pour réduire effectivement leurs émissions à la source, car elles peuvent acheter des crédits de carbone bon marché. Dès lors, les industries les plus polluantes, comme les usines d’électricité au charbon et les raffineries de pétrole, peuvent postposer leurs investissements en vue de réduire leur conversion vers une production carbone diminuée. Deuxièmement, les industries polluantes peuvent compenser leur pollution en investissant ou achetant des crédits carbone de nouveaux « projets de développement propre » dans les pays en voie de développement.[3] Ces projets dans les pays en développement ont causé parfois des dégâts environnementaux et des conflits sociaux (comme par exemple le déplacement de communautés locales en Tanzanie.)[4]  Ainsi, à première vue, un marché artificiel et lucratif de permis a été créé pour les spéculateurs et les pollueurs, leur permettant d’acheter les « droits de polluer ». Par conséquent, il est très peu probable que le SCEQE ait effectivement réduit les émissions. Les scientifiques pensent que 1/3 à 2/3 des crédits carbone ne représentent pas une diminution réelle des émissions.[5]

 

Il semble que les décideurs politiques de par le monde croient en la possibilité d’une croissance infinie, mais ignorent que l’eau, la terre, les minéraux et les métaux précieux sont des ressources limitées. La demande explose pour de nouveaux gadgets comme les tablettes, les smart phones et les  ordinateurs portables (laptops). L’industrie prévoit de produire 10 milliards d’appareils  pour 2017. En plus, tous ces nouveaux gadgets ont une durée de vie courte. Ces appareils ne sont conçus pour durer 20 ans : des mises à jour régulières et de nouvelles présentations conduisent les consommateurs à acheter la nouvelle version en un délai très court. Par exemple, les batteries des téléphones et les composants des ordinateurs sont difficilement remplaçables et à un coût élevé. Conséquence, les consommateurs achètent la nouvelle version au lieu de remplacer l’ancienne.  L’accroissement des ventes rend le marché avide de ressources naturelles. Cette demande croissante pour des matières premières alourdisse la terre par plus de pollution causée par le traitement des matières premières, la fabrication des gadgets électroniques et le transport. En outre, l’industrie extractive creuse la terre plus profondément pour obtenir la même quantité de matière première, abimant l’écosystème et la biodiversité. D’après Gaia, «  une simple bague en or requiert l’extraction d’environ 20 tonnes de terre ». En plus, un simple appareil électronique contient différent métaux, par exemple un téléphone portable contient du cuivre, de l’étain, du cobalt, de l’or. Ceci conduit à la continuation de l’exploitation minière polluante dans les pays pauvres et la recherche de nouvelles mines, ce qui risque de déplacer les populations et conduire à la violence. Pour rendre ceci pire encore, les nations industrialisées se débarrassent des déchets électroniques de leurs gadgets dans les pays pauvres causant pollution et dommage à la santé humaine.[6]

 

Croissance à tout prix et maximisation du profit sont difficiles à concilier avec la protection environnementale. Le SCEQE renforce la logique de surproduction et surconsommation qui épuisent les ressources naturelles et pollue l’environnement. La politique de l’UE sur le climat est consacrée à une logique de croissance économique et est déconnectée des solutions réelles sur le changement climatique. C’est pourquoi, la politique de l’UE sur le climat devrait plutôt se concentrer sur la réduction de la consommation d’énergie et la durabilité des ressources naturelles. Les concepts essentiels devraient être une économie de reconstitution et « de fermeture du cercle » : en recyclant les produits et en prolongeant leur vie. La terre, l’eau, les minéraux, l’énergie et la biomasse devraient être utilisés durablement pour nous-mêmes et surtout pour les générations futures.

 

Gino Brunswijck
 
Conseiller politique

[1] Truth Out, 2014, “Green Capitalism: the God that failed”,  http://www.truth-out.org/news/item/21060-green-capitalism-the-god-that-failed

[2] The European Commission, 2014, “2030 Framework for Climate and Energy Policies”,  http://ec.europa.eu/clima/policies/2030/index_en.htm

[3] Scrap the EU ETS, 2014, “Time to scrap the EU ETS Declaration”, http://scrap-the-euets.makenoise.org/english/

[4] African Biodiversity Network, 2011, “ The CDM and Africa: Marketing a New Land Grab” http://www.africanbiodiversity.org/system/files/PDFs/CDM%20Report_Feb2011_lowres.pdf

[5] Scrap the EU ETS, Ibid

[6] The Gaia Foundation, 2012, “Executive Summary: Short Circuit Report”, http://www.gaiafoundation.org/executive-summary-short-circuit-report

 

Go back