Les agriculteurs doivent être partie prenante dans les négociations climatiques !

© Farm Africa

Depuis longtemps les agriculteurs familiaux africains se basent sur les connaissances de leurs ancêtres pour s’adapter aux conditions météorologiques variables et ils ont ainsi nourri des générations. Néanmoins, ces agriculteurs, qui ont un rôle clef pour assurer la souveraineté alimentaire et pour combattre le changement climatique, sont ignorés dans le débat sur le changement climatique ! Effectivement, lors de la dernière réunion de la Conférence des Parties[1] à Doha, l’agriculture a été largement négligée comme facteur important dans le changement climatique, malgré l’énorme potentiel de mitigation[2] de l’agriculture familiale. Et, de plus, les donateurs promeuvent un modèle agro-industriel polluant pour l’Afrique, qui exerce un impact négatif sur la souveraineté alimentaire ! Analysons les contradictions entre ces modèles.

 

 

Le modèle agro-industriel, une fausse solution pour combattre la famine et le réchauffement climatique

 

 

Le monde occidental a promu plusieurs initiatives pour l’agriculture africaine, comme l’Alliance pour une révolution Verte en Afrique (AGRA) et la Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique du G8. Ces programmes promeuvent des partenariats publics-privés incluant les grandes multinationales de l’agro-industrie. Le modèle agro-industriel implique l’utilisation intensive d’intrants chimiques et de semences très chères, ce qui a de nombreux désavantages pour les agriculteurs familiaux de l’Afrique entre autres : coûts d’opération trop élevés et des impacts néfastes sur la souveraineté alimentaire et l’environnement local.

 

 

Tout d’abord l’augmentation des frais pour les agriculteurs peut avoir des conséquences désastreuses : certains fermiers se voient contraints de déclarer la faillite. Les agriculteurs familiaux constituent la majorité de la population en Afrique sub-saharienne et ils sont indispensables pour garantir la souveraineté alimentaire. Par contre, les entreprises agro-industrielles présentes en Afrique produisent pour des marchés d’exportation et en même temps elles rapatrient souvent tous les bénéfices. De plus, la promotion par l’agro-industrie de monocultures d’organismes génétiquement modifiés (OGM) pourrait aboutir à la disparition des variétés locales. En effet, les variétés locales en semences et en cultures sont cruciales pour assurer la souveraineté alimentaire et pour lutter contre le changement climatique, tandis que les OGM sont une cause de la faim et qu’ils n’ont pas prouvé leur résilience aux changements climatiques.

 

 

Ensuite, l’impact du modèle agro-industriel sur l’environnement est clairement négatif: l’augmentation d’émission de gaz à effet de serre, l’épuisement des ressources aquatiques, la dégradation de la biodiversité locale, l’augmentation de la pollution, l’érosion des sols, la surexploitation, et la pollution des nappes phréatiques[3]. Le modèle agro-industriel est centré sur l’obtention de rendements à court terme, tout en épuisant les ressources naturelles et la fertilité des terres en Afrique.

 

 

De bons exemples de l’agriculture familiale africaine

 

 

L’agriculture familiale a le potentiel de combattre à la fois la famine et le réchauffement climatique. Les pratiques durables des agriculteurs familiaux génèrent moins d’émissions de gaz à effets de serre, augmentent l’accès à la nourriture pour les communautés locales et elles sont évidemment plus adaptées à la réalité africaine.

 

 

En effet, en s’organisant en groupes communautaires et en pratiquant une agriculture durable, les agriculteurs dans le « Nyando Basin » au Kenya se sont vus améliorer leurs revenus, leur production alimentaire et leurs niveaux de nutrition. Les femmes remplissent un rôle clef dans ces groupes, elles représentent entre 70 et 85% des membres actifs. Ces groupes explorent de nouvelles possibilités de subsistance tout en conservant l’environnement. Citons entre autres, l’amélioration de la gestion des sols et des eaux, l’introduction de nouvelles cultures (patates douces, tomates, sorgho, pastèques, petit pois, etc.), l’agroforesterie, l’élevage du petit bétail et l’apiculture, qui est très utile pour les femmes qui ont un accès limité à la terre cultivable.[4] Au Swaziland, le même système de coopératives, composé principalement de femmes, se consacre à l’agriculture de conservation par la production et distribution de semences locales pour les légumineuses. Ceci a comme avantages que les semences peuvent être replantées, que les légumineuses sont plus résistantes que le maïs à la sécheresse, et que les légumineuses contribuent à augmenter la diversité des cultures. Auparavant, la culture des légumineuses était marginalisée par rapport au maïs.[5] Au Burkina Faso les agriculteurs se sont adaptés aux conditions météorologiques changeantes en retenant de l’eau par la construction de digues de pierres filtrantes et par la pratique de la méthode Zaï en combinaison avec des cordons pierreux (même si le terrain est plat, voir photo). Pour la méthode Zaï les agriculteurs creusent des petits trous dans leurs champs, tout en respectant les lignes et les distances entre les trous pour bien semer. Ensuite ils remplissent les trous avec du compost ou du fumier et ils entourent les terrains par des cordons pierreux. Les résultats sont positifs : les agriculteurs ont réalisé de meilleures récoltes et ils ont mieux conservé l’eau rare.[6] 

 

 

Ces exemples africains montrent clairement qu’un modèle basé sur les connaissances des agriculteurs familiaux, tout en les soutenant[7], produit des résultats positifs pour les communautés locales tant sur le plan alimentaire que climatique. Pour faire valoir les connaissances des agriculteurs familiaux sur le changement climatique, les mouvements paysans doivent être consultés lors des prochaines négociations sur le changement climatique au plan international et local.

 

 

Gino Brunswijck

Conseiller politique



[1] La Conférence des Parties est l’organe suprême de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). 

[2] Morrison Rwakakamba, “Farmers must take part in the Fight against Climate Change” (les fermiers doivent prendre part à la lutte contre le changement climatique), Agency for Transformation (agence pour la transformation), 2013, consulté sur : http://tntfactory.com/works/aft1/wp-content/uploads/2013/03/Farmers-and-fight-against-climate-change-New-vision-expert-opinion.pdf

[3] Euractiv, « Agriculture intensive : écologiquement durable ? », Juillet 2011, consulté sur : http://www.euractiv.com/fr/pac/agriculture-intensive-ecologique-linksdossier-506746

[4] CGIAR, “Community Groups help themselves to tackle climate change” (des groupes communautaires s’aident à réagir au changement climatique), Mai 2013, Consulté sur: http://www.cgiar.org/consortium-news/community-groups-help-themselves-to-tackle-climate-change/

[5] Inter Press Service,  “In Swaziland, Seeds Beat Drought”(au Swaziland, les semences l’emportent sur la sécheresse), juin 2013, consulté sur: http://www.ipsnews.net/2013/06/in-swaziland-seeds-beat-drought/

[6] ABC Burkina, SEDELAN, « Changement climatique et adaptation (3) : Apprendre de la terre du Sahel », consulté sur : http://www.abcburkina.net/fr/nos-dossiers/vu-au-sud-vu-du-sud/732-356-changement-climatique-et-adaptations-3

ABC Burkina, SEDELAN, « Zaï », consulté sur http://www.abcburkina.net/en/le-burkina-faso/de-a-a-z/447-zai

[7] Un soutien à l’agriculture familiale peut consister en : infrastructure, services d’encadrement, incitations pour la production locale des semences et pour les cultures locales.

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