Les agriculteurs familiaux africains cherchent de manière créative à s’adapter au changement climatique
Beaucoup de chercheurs sont d’accord que les effets des tendances météorologiques induites par le changement climatique ont des effets négatifs sur la sécurité alimentaire. Par exemple, des tendances de sécheresse et de pluies inférieures à la moyenne peuvent diminuer les moissons attendues, réduisant de manière significative le revenu des agriculteurs familiaux. Cependant, une étude réalisée dans le cadre du programme de recherche sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire CGIAR[1], met en lumière la créativité et la capacité d’innovation d’agriculteurs africains pour s’adapter au changement climatique tout en améliorant également leur récolte.[2]
Ces stratégies remarquables d’adaptation sont inspirées par la connaissance qu’ont les agriculteurs des modes traditionnels de production et par leur connaissance approfondie de l’environnement. L’étude, focalisée sur 700 ménages de quatre pays africains (Kenya, Ethiopie, Ouganda et Tanzanie), a mentionné plusieurs manières dont les fermiers sont venus à bout, entre autres, de l’érosion des sols et de la sécheresse. Effectivement, afin de faire face à des sécheresses et des schémas changeants de pluviosité, des fermiers familiaux ont commencé à cultiver, soit des produits qui poussent plus vite, soit des produits plus résistants à la sécheresse, surtout du maïs. En plus de ceci, des fermiers familiaux africains ont traité l’érosion des sols en plantant des arbres qui ont aussi aidé à améliorer la qualité de l’eau et du sol. Cette technique, connue comme agroforesterie, a été adoptée par la moitié des fermiers familiaux sujets de l’enquête. Un exemple fameux de cette technique est l’usage traditionnel de l’acacia, qui couvre le sol de ses feuilles au début de la saison des pluies, augmentant la fertilité du sol et les rendements des moissons. Cette technique et d’autres techniques agricoles traditionnelles, qui permettent aux fermiers de s’adapter au changement climatique, sont partagées par ABC Burkina.[3]
De plus, des agriculteurs ont commencé à appliquer des techniques telles que l’agriculture partagée ; en utilisant différents produits dans le même champ et en changeant leur emplacement à la saison suivante. L’idée est de mettre des produits qui ont des caractéristiques complémentaires et compatibles, en rangées alternées dans un champ, afin d’améliorer la biodiversité aussi bien que la qualité du sol d’un lopin de terre donné. Par exemple, l’agriculture partagée en alternant des rangées de maïs et de haricots a amélioré la qualité du sol de telle sorte que les fermiers n’ont pas eu besoin d’engrais. Ceci permet aux fermiers d’augmenter leurs rendements tout en gardant leurs sols sains et en s’adaptant en même temps au changement climatique. Est également encourageant le fait que des communautés de fermiers partagent activement ces nouvelles techniques et connaissances. Plus de la moitié des ménages objets de l’enquête mettaient en œuvre des stratégies d’adaptation en vue de traiter des modèles changeants de météorologie. Cependant, il y a encore des améliorations à faire à la fois pour l’utilisation de fumier et/ou du compost et la gestion de l’eau et du sol.
A ce point de vue, un rôle vital peut être joué par les organisations de fermiers africains dans leur lutte pour atteindre des objectifs communs de la communauté agricole, pour offrir des services aux communautés de fermiers et pour étendre les techniques d’adaptation au changement climatique à des communautés de fermiers éloignées. Elles peuvent aussi jouer un rôle pour fournir des services d’écosystèmes à la société en général, comme des techniques de conservation de la qualité de l’eau et le stockage de l’eau, comme l’a mentionné Morrison Rwakakamba[4]. Il mentionne aussi correctement que les responsables de la politique au niveau mondial devraient se réengager avec les fermiers familiaux africains dans leurs décisions politiques, de sorte que celles-ci soient informées par la capacité créative indigène et la capacité d’innovation des fermiers africains. Ceci impliquerait aussi que les politiques soient changées afin de permettre aux fermiers familiaux en Afrique d’échanger librement leurs semences. Les fermiers locaux produisent des variétés locales de semences à la fois pour la saison des pluies et la saison sèche, qui sont capables de s’adapter au changement climatique. Ces semences sont le fruit de l’agriculture familiale innovante et, traditionnellement, ces semences sont échangées grâce à des réseaux informels. Cependant, de grandes sociétés multinationales ont poussé les responsables politiques à établir des droits de propriété intellectuelle pour leurs semences qui, souvent, ne rendent bien qu’à l’aide d’engrais chimiques et de pesticides. Ainsi, assurer l’accès libre de fermiers familiaux aux semences est vital pour la souveraineté alimentaire et l’adaptation au changement climatique, et des lois commerciales nationales, au niveau de l’UE, ou internationales, qui empêchent un tel accès, doivent être abolies.
Cependant, le récent débat sur le changement climatique à Doha n’a pas mis fermement à l’ordre du jour l’agriculture et sa relation au changement climatique et à la sécurité alimentaire. Au lieu de cela, les responsables politiques se sont focalisés sur la continuation du système existant qui se centre sur la réduction d’émissions et des systèmes néolibéraux d’échanges d’émissions, qui permettent aux pollueurs d’acheter des droits à la pollution. Dans l’UE (et aussi aux Etats-Unis), un tel cadre a inspiré leur politique de biocarburants, qui encourage l’accaparement de terres sur une grande échelle en Afrique, qui utilise de précieuses terres communautaires et ressources d’eau. De plus, des plantations étrangères à grande échelle utilisent souvent des engrais et d’autres produits chimiques qui polluent l’écosystème local et qui causent un risque sanitaire à la population africaine. C’est pourquoi la capacité d’adaptation créative et la science indigène des fermiers africains doivent prendre la place centrale dans les politiques de développement rural et les débats sur le changement climatique.
Gino Brunswijck
AEFJN Policy Officer
[1] CGIAR: Consultative Group on International Agricultural Research. (groupe consultatif sur la recherche agricole internationale)
[2] Avec les liens suivants vous avez accès à l’étude mentionnée et à des communiqués de presse relatifs à l’étude: http://ccafs.cgiar.org/blog/bit-bit-east-african-smallholder-farmers-adapting-climate-change (en anglais)
http://www.reuters.com/article/2012/09/07/us-climate-africa-farms-idUSBRE88600920120907 (en anglais)
[3] Vous pouvez lire advantage à ce sujet: http://www.abcburkina.net/fr/nos-dossiers/vu-au-sud-vu-du-sud/732-356-changement-climatique-et-adaptations-3, http://www.abcburkina.net/content/view/424/69/
[4] Cette vision par Morrison Rwakakamba peut être trouvée à:
http://www.africanexecutive.com/modules/magazine/articles.php?article=6987 (en anglais)