Mandat alternatif de santé pour l’Afrique

WHO

Mise à jour sur l’assurance de qualité et l’accessibilité des médicaments, produits de laboratoire et matériel médical.

Avril 2015.

 

Controverse sur la campagne de vaccination antitétanique de masse au Kenya en 2014. Un cas de figure. Le secrétariat international AEFJN est consulté sur la question par des acteurs de terrain.

 

En novembre 2014, un groupe de médecins chrétiens accuse la stratégie de vaccination antitétanique au Kenya d'être une campagne déguisée de stérilisation des femmes.

 

Voici ses arguments:

  • La stratégie a changé:

-    on vaccine maintenant toutes les femmes de 15 à 49 ans et plus seulement les femmes enceintes ;

-    le programme est de 5 injections au lieu de 3 ;

-    la vaccination est gratuite (en fait, inchangé).

 

      Cela conduit à penser qu'il ne s'agit plus d'une campagne prénatale mais d'une campagne plus large.

  • Il y avait déjà eu une controverse sur une suspicion de volonté de stérilisation dans les années 90 dans 4 pays. Un vaccin anticonceptionnel était recherché en utilisant une hormone concurrente des hormones naturelles (Beta HCG) afin de provoquer la fabrication d'anticorps contre l'hormone naturelle HCG qui permet la grossesse et on soupçonnait l'addition de cette hormone au vaccin antitétanique.
  • Sur 9 échantillons de vaccin testés au Kenya, 3 semblaient contaminés par Beta HCG.

 

La réponse du Ministère de la Santé (MSP), mettant en doute la méthodologie du test, ne satisfait pas. Le MSP affirme plus tard avoir testé les vaccins alors qu'il ne l'a pas fait. L'UNICEF dément simplement.

 

En janvier 2015, devant la non prise en considération de l'alerte, les évêques du Kenya se mobilisent et le cardinal publie un document de contestation à l'issue duquel il déclare que certains flacons de la campagne 2014 contenaient l'hormone Beta HCG et il exige qu'à l'avenir les vaccins soient testés avant d'entreprendre une campagne.

 

La réponse à la controverse se fait alors un peu plus précise :

  • La nouvelle stratégie tient compte du fait que le vaccin antitétanique a une grande durée d'efficacité et qu'après 5 injections (1 mois après la première, ensuite à 6 mois, ensuite lors des 2 grossesses suivantes), il ne faudrait plus vacciner durant les grossesses successives.
  • Une confusion pourrait provenir du fait que dans la recherche du vaccin anticonceptionnel - recherche qui a été abandonnée -, l'adjuvant utilisé est le vaccin antitétanique.
  • Les tests ont été faits dans des hôpitaux kenyans en utilisant la méthode de dépistage de la grossesse dans le sang des femmes et non dans un vaccin. La méthode étant imprécise, la possibilité existe que l'adjuvant et l'agent conservateur du vaccin produisent des faux positifs pour Beta HCG.
  • Les 3 flacons positifs sont arrivés ouverts aux laboratoires d'analyse.
  • En janvier 2015, 50 flacons ont été testés négatifs.
  • Les vaccins sont fabriqués par des institutions dites préqualifiées (quant à leur méthode de fabrication) par l'OMS, donc avec un haut degré de certification.
  • Ni dans les années 90, ni en 2014-2015, il n'a été constaté de diminution du taux de natalité.

 

Mais la rumeur est lancée et toute controverse est immédiatement contrée. Par exemple, "les 40 échantillons analysés ensuite ne l'ont été que pour diluer le pourcentage d'échantillons contaminés". Ou encore "la stérilisation ne se constate qu'après 3 ans".

 

Il faut noter que le refus de vaccination est universel. Au Pakistan il a mené au meurtre d'équipes de vaccination. En Grande Bretagne, on a refusé le vaccin combiné contre la rougeole, la rubéole et les oreillons. En France, on a accusé le vaccin contre l'Hépatite B de provoquer la sclérose en plaques.

 

Plusieurs intervenants mettent en cause un manque de communication dû au fait qu'on ne confie plus les vaccinations aux services de santé proches des gens mais à des programmes centralisés censés être plus efficaces.

 

Assurance de qualité dans les essais cliniques : proposition d’adaptation des lignes directrices.

Comme nous le savons bien, la globalisation de la production pharmaceutique liée à une déficience des autorités régulatrices a engendré la mise sur le marché de médicaments sous-standards faisant courir aux patients et aux populations, surtout des pays à faible ou moyen revenu, le risque de recevoir des médicaments sous-standards qui représentent un danger pour eux. Mais si ces médicaments sous-standards sont utilisés dans les essais cliniques, où sont testées l’efficacité et l’innocuité de nouveaux médicaments et protocoles, alors la crédibilité et la fiabilité des résultats obtenus sera douteuse.

 

Jusqu’ici on ne s’est pas préoccupé de cet aspect et différents incidents graves ont déjà eu lieu comme la dégradation de capsules de Vitamine A pendant une recherche clinique sur les enfants en Tanzanie, ou l’utilisation de comprimés de sulfadoxine-pyriméthamine sous-standard pour une étude de prévention de la malaria pendant la grossesse.

 

Dans une analyse du BMJ (British Medical Journal) de février 2015 concernant la qualité des médicaments utilisés dans les essais cliniques, un groupe de chercheurs appartenant à différents instituts tropicaux et au CDC (Communicable Disease Center) Atlanta propose que les principales lignes directrices[1] pour les grands essais cliniques ainsi que les règles de bonne pratique clinique de l’OMS et d’enregistrement des médicaments à usage humain soient adaptées et mises à jour ; ceci pourrait se faire en y incluant l’exigence d’établir au préalable et en cours d’étude la qualité des médicaments et produits médicaux testés.

 

Cette proposition demandera une plus grande vigilance et le renforcement des capacités d’analyse, avec une augmentation du coût de la recherche à la clé.

 

Des décisions difficiles attendent le prochain Comité de sélection et d’utilisation des médicaments essentiels de l’OMS.

 

En 1977, l’OMS a publié sa première Liste modèle des médicaments essentiels[2]. Cette année, le Comité de sélection et d’utilisation des médicaments essentiels de l’OMS devra examiner la pertinence d’inclure dans la Liste des médicaments de prix élevé contre le cancer, contre l’hépatite C, contre la tuberculose multi-résistante ainsi que des anticoagulants oraux.

 

Depuis 2001, le Comité d’experts a considéré que l’accessibilité financière d’un médicament ne devait plus être qu’un critère relatif au regard du bénéfice escompté sur le plan de la santé publique.

 

Néanmoins inclure dans la Liste des médicaments essentiels de nouveaux médicaments de prix élevé constituera un défi pour les décideurs de pays dont le budget de la santé est limité. Il faudra en même temps donner à ces décideurs des outils de prise de décision et des pistes pour permettre que ces nouveaux médicaments restent financièrement accessibles à ceux/celles qui en ont besoin. Au final, il reviendra aux décideurs d’adapter la Liste aux besoins nationaux et aux priorités de santé publique.

 

Christian Roberti

Antenne belge



[1] Les lignes directrices comprennent l’ensemble des règles scientifiques et éthiques qui doivent nécessairement encadrer tout essai clinique pour en garantir la validité et donc l’acceptabilité.

[2]Un médicament est dit essentiel s’il est efficace, sûr, prioritaire pour la santé publique et d’un bon rapport coût-bénéfice. La Liste comprend des médicaments de base et des médicaments complémentaires qui demandent un diagnostic ou de l’équipement de surveillance, un traitement médical et une formation spécialisés.

La Liste des médicaments essentiels est valable pour tous les pays du monde qu’ils soient à haut, moyen ou bas revenus.

 

 

 

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