Les prix alimentaires mondiaux montent en flèche, et attirent les spéculateurs - Février 2011
(Traduit de la communication du 15.02.2011 dans Ecologie et jésuites)
Le 3 février, l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a annoncé que les prix alimentaires mondiaux avaient atteint un niveau record au mois de janvier 2011, le plus élevé depuis que la FAO a commencé son suivi mondial mensuel en 1990 grâce à son indice des prix des produits alimentaires (Pour lire l’annonce : http://www.fao.org/news/story/fr/item/50538/icode/ ).
Évidemment, la situation est plus préoccupante pour les pays les moins avancés qui ont besoin de recourir au marché international afin de couvrir leurs déficits alimentaires et garantir l'alimentation de la population. La hausse des prix alimentaires affecte davantage les ménages pauvres, car ceux-ci doivent consacrer un pourcentage plus élevé de leur revenu pour acheter la nourriture. Autour de 30 à 50% du revenu familial peut être nécessaire pour répondre à ces besoins. Et avec cette hausse des coûts des aliments, les tensions sociales devraient également augmenter.
Pour éviter cette situation, certains gouvernements ont décidé d'augmenter les achats de denrées alimentaires à l'étranger, mais cette décision renforce la tendance à la hausse des prix alimentaires sur les marchés internationaux. Et une hausse des prix génère automatiquement des spéculateurs.
Le président français Nicolas Sarkozy a récemment soulevé la question lors de la réunion annuelle du Forum économique mondial de Davos, en Suisse le mois dernier. Le président Sarkozy s'est demandé s'il était normal qu'un spéculateur, en une seule transaction, achète 15% de la production mondiale de cacao, sans payer un sous pour le cacao et le «revendre sans payer pour cela. » « Est-ce ça le marché? » « Est-ce normal? »
Et il a rappelé la façon dont les prix ont bondi du fait de l'action des spéculateurs quand la Russie et l'Ukraine avaient décidé de fermer leurs exportations. Ces pays avaient de mauvaises récoltes et, pour éviter des pénuries locales, ils avaient décidé d'interdire les exportations. La menace de réduction de l'approvisionnement en céréales a provoqué la flambée des prix.
Les spéculations sur la pénurie des cultures ont été renforcées par la volonté de certains gouvernements qui voulaient accroître leurs achats à l'étranger afin d’éviter les pénuries et les conflits sociaux. L'Arabie saoudite, l'Indonésie et l'Inde en sont.
En outre, les superficies cultivées pour les biocarburants sont en augmentation, en partie à cause des engagements environnementaux de nombreux pays développés qui veulent réduire leurs émissions. Toutes ces évolutions conduisent à penser que les marchés alimentaires avec des prix élevés se poursuivront encore pendant un certain temps.
Enfin, et non des moindres, la volatilité et les perspectives négatives sur les marchés financiers ont incité de nombreux fonds d'investissement à regarder du côté des matières premières et à les considérer comme des "actifs sûrs."
Malheureusement, lorsque ces investisseurs regardent quelque chose, cela déclenche automatiquement des hausses de prix que les pauvres doivent payer avec une énorme proportion de leurs maigres revenus.
Mais nous ne pouvons pas oublier qu’à côté de ces aspects de court terme, même si la production de biocarburants sera un facteur à long terme, il y a deux aspects qui sont de nature plus structurelle et qui marqueront l'avenir du marché des produits alimentaires.
Le premier est l'augmentation de la demande en Chine et en Inde, les gens consomment davantage de produits alimentaires qui sont de meilleure qualité (à base de protéines animales). C'est une nouvelle tendance qui va continuer à croître.
Et deuxièmement, il y a la croissance soutenue de la population mondiale. En 1999, il y avait 6.000 millions de personnes vivant sur la planète, et l'ONU dit que nous serons 7.000 millions en 2011, et la population mondiale devrait atteindre 9.000 millions en 2050. Évidemment, c'est une énorme pression de la population sur la production et la consommation alimentaires.
Que la situation est difficile et le sera encore plus dans l'avenir, c’est confirmé par le récent rapport du gouvernement britannique "L'avenir de l'alimentation et de l'agriculture: Défis et choix pour la durabilité mondiale" qui s'attache à promouvoir le défi alimentaire mondial dans les 40 prochaines années. (The Future of Food and Farming: Challenges and choices for global sustainability”)
Les solutions ne sont pas évidentes, et il faut mettre en jeu un ensemble de solutions. La technologie jouera un rôle clé, comme dans les années 70. L’amélioration de la gestion des terres et de l'eau sera également essentielle. Les changements dans les habitudes alimentaires sont plus que nécessaires et requises dans le sens d’une réduction de la surconsommation des pays développés et de l’amélioration considérable du régime alimentaire des populations pauvres. Il y a aussi l'objectif plus vaste de l'éradication de la faim dans de nombreux pays pauvres, qui, à notre époque, est inexcusable.
Tous ces éléments devraient faire partie d'une solution, mais nous ne devons pas oublier la transparence dans les marchés alimentaires et, comme l’a suggéré le président Sarkozy, les produits alimentaires doivent rester en dehors des marchés spéculatifs. Ce n’est pas une mince affaire.
Texte original: http://ecojesuit.com/global-food-prices-soar-attract-speculators/792/