AGRA alliance pour une révolution verte en Afrique
L’AGRA est un cadre structurel par lequel les multinationales privées pénètrent l’Afrique pour étendre leur marché de semences et de produits pour l’agriculture. Elles font miroiter le développement économique des petits agriculteurs et de l’emploi pour des vendeurs; mais en réalité, elles promeuvent une agriculture industrielle coûteuse, néfaste pour l’environnement tropical, sans autonomie possible pour la majorité des agriculteurs africains et sans dialogue avec ces derniers. AGRA ne profite pas aux agriculteurs locaux qui risquent de devenir plus pauvres du fait de la concurrence en terre et en eau, de la perte de biodiversité et du coût des intrants à court et moyen termes. AGRA ne finance pas l’amélioration du commerce agricole local, ni la vulgarisation des techniques agricoles africaines qui se sont révélées bénéfiques. De plus, les gouvernements africains engagés dans des protocoles d’accord, en recourant à l’aide financière des partenaires de l’AGRA, menacent d’accroître le fardeau de la dette.
Lancée officiellement depuis 2006, l’Alliance pour une nouvelle Révolution Verte en Afrique est présidé par Mr Kofi A. Annan, ancien secrétaire général à l’ONU. Avec d’autres personnalités importantes, il exerce son influence auprès des gouvernements africains, du NEPAD et de l’Union Africaine (UA) pour implanter l’AGRA sur ce continent.
Cette révolution est « nouvelle » en ce sens qu’elle est mise en place avec des arguments financiers de multinationales, et non plus par des accords politiques. A l’origine de l’AGRA, une alliance entre 2 fondations (Rockefeller et Bill & Melinda Gates) et leurs partenaires issus des 5 premières compagnies internationales d’agro-business (Monsanto, Dow & Syngeta, Dupont) et d’autres promoteurs de l’ingénierie génétique, incluant les plants et les semences génétiquement modifiés (GM) et les produits agricoles sous licence. Le monde agricole africain, c’est-à-dire les agriculteurs, les fédérations paysannes et les techniciens ayant une longue expérience de l’agriculture en Afrique, n’ont pas été consultés pour concevoir la nouvelle révolution verte qui convient à l’Afrique.
Derrière le discours officiel affirmant que l’AGRA va augmenter les rendements agricoles en Afrique et atteindre les petits agriculteurs, se cache une solide campagne de marketing pour les multinationales et leurs produits surtout. Les prospecteurs quadrillent les régions d’Afrique pour instaurer un marché de semences, d’engrais et de fertilisants dont les compagnies d’agro-business initiatrices de l’AGRA ont le monopole. La généralisation des monocultures industrielle de cultures à haute valeur sur les marchés internationaux va de pair avec ce marketing.
PASS (Program for Africa’s Seed Systems), l’organe de financement de AGRA, finance la formation de cadres et de petits vendeurs (‘dealers’) pour constituer un réseau consolidé de promoteurs, de conseillers et de vendeurs, exclusivement des produits dont les bailleurs d’AGRA ont le monopole, depuis la capitale jusqu’à la campagne. Les directeurs de l’AGRA admettent ouvertement que leur approche des cultures semencières prépare la voie à l’ingénierie génétique ; par contre, ils ne s’accordent pas sur la nécessité des OGM pour les africains.
Les agriculteurs africains travaillant avec AGRA ont une marge de négociation très réduite et sont liés pendant 5 ans pour ceux qui ont déjà signé des contrats et moins de cinq ans pour les autres qui sont appelés à les signer maintenant. Concrètement, cela signifie, qu’ils reçoivent des crédits durant 5 ans au maximum et qu’ils s’engagent dans la culture de semences spécifiques avec certains engrais ; puis en fin de contrat, ils doivent se débrouiller financièrement pour continuer ou trouver d’autres solutions. De plus, il s’agit d’une agriculture industrielle. Ce type d’agriculture a de graves répercussions sur l’environnement, la qualité des sols tropicaux, la disponibilité en eau, la biodiversité, et enfin, sur l’économie rurale, la liberté d’action des agriculteurs et les sécurité et souveraineté alimentaires du pays.
Les prospecteurs de l’AGRA procèdent au lobbying auprès de l’UA, des gouvernements africains et des chercheurs nationaux pour implanter des projets AGRA et pour modifier, au moyen de partenariats public-privé, les législations nationales en vue de faciliter l’introduction de produits génétiquement modifiés.
Certaines pratiques d’AGRA manquent de transparence, voire d’honnêteté.
Au Mali, les organisations paysannes connaissent les paysans de leur région. Pourtant, les membres ont appris de façon fortuite que des essais de maïs et de riz étaient menés par l’institut de recherche du Mali sur financement de AGRA depuis plus d’un an dans une station de recherche de Bamako et dans la région de Mopti. Lorsqu’ils se renseignent, ils découvrent également que les paysannes présentes sur le site de la station lors de la mission de responsables d’AGRA n’étaient pas des agricultrices connues par les organisations paysannes. « Nous ne savons pas où trouver les agriculteurs organisés. Notre problème est savoir comment trouver les petits producteurs !» répond alors un responsable AGRA basé à Seattle à Monsieur M. Goïta, membre de COPAGEN-Mali.
Au Burkina Faso, AGRA met en place un projet et passe par une association locale pour obtenir, sans révéler son identité, « l’accompagnement» de l’INADES, organisme de référence et de confiance pour le monde rural en Afrique.
En Tanzanie, l’on s’étonne du peu d’information transmise par les media au sujet des projets lancés par l’AGRA, alors que des milliers de dollars sont en jeu et que cela concerne la vie et le travail de la population rurale.
Enfin, de nombreux scientifiques reconnus internationalement comme référence pour le développement en Afrique sont cités par l’AGRA, même si ceux-ci n’adhèrent pas à ce projet. D’autres ont été « débauchés » pour être employés par AGRA à Nairobi, à Accra ou à Seattle.
AGRA est déjà implanté au Mali (10 projets en 2008), au Burkina Faso, en Tanzanie, au Kenya, au Ghana, mais aussi au Sénégal, au Niger, au Nigeria, au Malawi et dans bien d’autres pays, de diverses manières.
Septembre 2008