1304 - 1303 L’agroécologie : une éthique de vie
Depuis des années Pierre Rabhi est reconnu en tant que pionnier de l’agro-écologie. Actuellement, il exploite une ferme agro-écologique en France et il a transféré sa connaissance sur les pratiques agricoles lors d’une conférence en février dernier.
Actuellement la dictature de l’argent règne dans le monde et elle n’est pas conciliable avec l’équilibre homme-nature. Dans l’optique de l’argent, on voit la terre comme un gisement qui regorge de richesses et qu’il faut absolument épuiser au nom du profit. Cette idée est en contradiction avec l’idée de faire valoir les ressources naturelles, qui est à la base de l’agro-écologie. Cependant, l’agriculture industrielle épuise la terre pour nous et les futures générations. Le plus grand vice de ce modèle agricole consiste dans le fait qu’il n’arrive pas à produire sans détruire les eaux, les sols et le climat. Il s’agit d’une agriculture prescrite par l’agro-industrie avec l’utilisation intensive d’intrants chimiques tout en détruisant les écosystèmes et la petite agriculture. Cependant, si nous n’arrivons pas à équilibrer nos modes de production agricoles avec la nature, ce modèle d’agriculture industrielle va affamer l’humanité par, en particulier, l’érosion des ressources naturelles. De plus, les politiques agricoles en place soutiennent ce modèle, mais elles ne sont pas adéquates pour un monde en transformation. En effet, devant les crises et scandales alimentaires, il est temps d’appliquer des techniques et des pratiques qui respectent les sols, l’eau et la vie et de suivre une philosophie qui permette de refroidir la planète et de satisfaire les besoins alimentaires de base de chaque personne.
Le modèle agricole industriel détruit notamment la capacité régénérative des sols, puisque l’utilisation des pesticides détruit non seulement les insectes, mais aussi les micro-organismes présents dans le sol. Ces derniers sont indispensables pour la décomposition du matériel organique, la croissance des plantes et la soutenabilité de l’écosystème. De surcroît, ces intrants toxiques rentrent dans notre nourriture, il vaut mieux se souhaiter « Bonne chance » au lieu de « Bon appétit ». En outre, l’accès aux semences traditionnelles qui ont été transférées de génération en génération est progressivement remplacé par des semences-OGM[1] des grands semenciers, parce que ces derniers contrôlent le marché. Ceci limite le choix des agriculteurs familiaux et réduit leur accès aux semences.
En outre, l’agro-industrie accapare agressivement des terres partout dans le monde en partenariat avec l’industrie chimique, qui fournit les pesticides et les engrais, et les entreprises de machines agricoles. L’impact des accaparements de terres est catastrophique pour la planète, pour l’Afrique et ses populations locales en particulier. Selon Rabhi, ceci constitue « un véritable hold-up », puisqu’il est inadmissible d’accaparer les biens communs de tous. En effet, le danger existe que la terre soit dans les mains de quelques propriétaires tandis que la plupart de la population deviendrait ou est déjà devenue locataire. Ceci réduira davantage le pouvoir des agriculteurs familiaux par rapport au vaste pouvoir des entreprises transnationales.
Comment agir ?
Face à cette domination de l’agro-industrie, l’homme ne peut pas se libérer, ni aujourd’hui ni demain. L’agro-écologie permet à l’homme de percevoir la réalité différemment sans être contraint par la logique de l’argent. Pour les futures générations, il est indispensable que nous leur transmettions un patrimoine vivant en vue de leur garantir une terre riche et capable de nourrir l’humanité. « Il faudrait s’indigner de façon constructive » face à ce modèle axé sur le profit et la surconsommation. Pour transformer la présente société, nous devons transformer nous-mêmes nos habitudes en nous inspirant de la sobriété. Avec une vie sobre on est capable de se libérer du modèle de l’agro-industrie promu par les politiques agricoles et les multinationales et nous devons consommer des produits réellement soutenables, qui ont été produits dans le respect de la nature ; tout en nourrissant la terre pour qu’elle nous nourrisse.
Gino Brunswijck
Policy Officer