Maintenant, c’est le moment
Munachi Ezeogu est un merveilleux prédicateur africain. Il utilise énormément d’histoires et d’images pour rendre son argumentation plus vivante et convaincante. Dans son homélie du 2 novembre sur son site web, il a utilisé l’histoire des tribus natives américaines pour illustrer les imperfections de la vie humaine et le besoin conséquent de croissance continuelle dans chaque être humain. Les tribus natives américaines sont bien connues pour leurs édredons élaborés et colorés. En fait, on croit qu’elles sont parmi les meilleurs fabricants d’édredons artisanaux du monde. Cependant, ce que beaucoup de gens ne savent pas, c’est qu’elles ont une loi non écrite qui gouverne l’art de confectionner des édredons : chaque édredon doit avoir quelque défaut. Même si elles pouvaient facilement produire l’édredon le plus parfait, elles s’écartent de leur manière de faire pour y introduire un défaut, comme une représentation de la vie humaine et de la condition humaine où il y a toujours place pour la croissance.
La croissance est souvent une expérience pénible et effrayante parce qu’elle nous invite à nous étendre, à renoncer au passé et embrasser le moment présent, à permettre à nos perspectives de s’enrichir des expériences d’autrui, à être capables de soutenir la tension du pluralisme et des différences d’opinion, à enlever nos sandales pour marcher dans des territoires non familiers, parfois remplis d’épines et de scorpions, à prendre des risques et des décisions à vous couper le souffle, à sauter dans le noir mais avec une grande confiance en Dieu. La croissance concerne des changements nécessaires qui ont lieu dans nos vies. Les psychologues appellent de tels changements des transitions mais le nom n’a pas de réelle importance ; ce sont des étiquettes sur l’expérience humaine. Ce qui est important, c’est que nous honorions ces expériences et que nous leur donnions l’espace pour qu’elles aient lieu, parce que l’univers les aprovoquées dans sa danse sacrée pour mettre en valeur notre croissance et notre maturité. On a dit que la seule chose permanente est le changement lui-même.
Ceci est vrai, non seulement pour les êtres humains, mais aussi pour les autres animaux et les plantes de l’écosystème, les organisations et les institutions gouvernementales. Incidemment, les plantes et les autres animaux connaissent très bien ce changement nécessaire et ils écoutent la divine musique. Ils savent quand il est temps de renoncer à ce que l’univers leur demande et ils le font sans se plaindre. Par exemple les plantes connaissent l’attente active et patiente de l’hiver, la fécondité de l’été, l’abandon de l’automne et la mise au monde du printemps. Les autres animaux aussi savent comment danser au rythme de la musique de l’univers. Ils savent quand il est temps d’hiverner ou de migrer. Il est intéressant de savoir que dans le désastre du tsunami et d’autres catastrophes naturelles comparables, les seuls animaux qui ont été affectés étaient les êtres humains et les animaux domestiques dont les mouvements sont limités. Il est clair que seule l’espèce humaine et ses institutions résistent à l’invitation divine au changement et à la croissance.
Les institutions viennent à l’existence pour servir les besoins humains et leur croissance se manifeste dans leur capacité de servir continuellement les besoins humains toujours croissants. La mauvaise nouvelle est que parfois le précieux objectif d’affirmation de la vie de l’organisation ou de l’institution est relégué à l’arrière-plan et que le maintien des structures occupe le centre. Lorsque cela se produit, l’organisation ou l’institution devient, sans l’avoir voulu, un instrument d’oppression. Il semble que ce soit la situation actuelle des institutions de l’UE. Le Pape François observe cette triste situation et il a fait appel au Conseil et au Parlement Européens pour qu’ils apportent des changements dans ces institutions en vue de servir les besoins humains plutôt que l’intérêt économique des sociétés transnationales. L’appel du pape est pratiquement un appel urgent à la justice dans la distribution des biens et des services de la terre, sans laquelle il n’y aurait pas de paix. Entendront-ils cet appel ? L’avenir nous le dira.
Les institutions de l’UE ne sont pas seules dans ce bateau. Mon expérience du déménagement de l’Afrique vers l’Europe pour travailleren ce temps m’a mis en face des impératifs de tels changement et croissance. Avec l’orientation initiale de Begoña en juin, et lorsque Gino et Jose Luis (personnel du secrétariat) m’ont pratiquement mené par la main à travers la base de données du réseau pour m’introduire dans le flux d’événements au secrétariat, les exigences de croissance et de changement, tant pour moi que pour AEFJN, sont devenues plus évidentes. Le fait d’accepter la main de ²cet Africain² avec chaleur, amour et respect est une indication des formidables changements internes et de la croissance. Ce qui est plus important, c’est que ceci pourrait indiquer une nouvelle face d’AEFJN et la croissance qu’AEFJN requiert en ce temps. Une croissance pour passer d’une organisation basée en Europe et qui aide l’Afrique à sortir du purgatoire de la pauvreté à l’Afrique et l’Europe travaillant ensemble pour servir leurs besoins mutuels dans la justice et la vérité. Ce dont l’Afrique a besoin de la part de l’Europe, c’est d’une relation de respect mutuel pour notre humanité collective, d’empathie et de justice réparatrice, et pas d’aide. A mon avis, ce changement pratique d’attitude fondamentale est crucial pour la vitalité et la continuité du service efficace du RESEAU.
L’AEFJN est en harmonie avec des questions africaines centrales en relation à l’Europe, notamment : commerce, accaparement de terres, extraction de minerais, santé et armes. Cependant, il a besoin d’une collaboration plus forte avec l’Afrique pour exercer un plus grand impact. Par exemple, aucune action pour le moratoire sur les terres ne sera efficace sans un engagement actif de l’Afrique. Par conséquent, il est très important pour AEFJN de s’établir en Afrique, d’atteindre davantage les congrégations religieuses indigènes, les ONG, les conférences épiscopales et d’autres groupes chrétiens qui partagent sa vision et ses valeurs. La pensée de cette stratégie est à l’intérieur du RESEAU. Elle est contenue dans le plan d’action actuel et elle forme le noyau de l’exposé du président à l’assemblée générale des membres qui vient de se terminer. Mais est-ce que ‘maintenant’ pourrait devenir le moment de kairos pour répondre à cette voix avec un cœur qui discerne davantage ? Les paroles récentes du Pape François aux chrétiens de Turquie peuvent nous être très utiles dans notre réflexion. Il rappelle aux chrétiens la puissance du Saint-Esprit et la tentation de lui résister, parce que le Saint-Esprit nous tire de notre zone de confort et qu’il nous dérange. Le Pape François souligne qu’il est temps maintenant de rejeter notre attitude défensive, sans rester retranchés dans nos propres idées et nos manières inchangées.
Chika Onyejiuwa