Retour au temps ordinaire

odresnuevos.wordpress.com

AEFJN se réinstalle dans le temps ordinaire après la pause d’été, avec la nouvelle que le Pape François visitera le Parlement Européen le 25 novembre, à l’invitation de son président Martin Schulz. Le président a déclaré que la raison de l’invitation est qu’aujourd’hui nous vivons dans un monde globalisé où l‘Union Européenne doit jouer un rôle de promoteur d’une plus grande justice et d’une plus grande coopération, et qu’elle devrait être un outil pour la création d’un monde plus juste et plus équitable. Et le Parlement Européen est le lieu où ceci se discute. Le Pape exerce un fort impact sur le débat global au sujet des changements dont nous avons besoin. C’est pourquoi un homme de telle importance devrait prendre la parole dans ce contexte dans lequel le rôle de l’Europe est discuté[1]. La visite du pape survient au milieu d’une époque turbulente en politique internationale avec des crises multiples et divergentes telles que la crise en Ukraine, la croissance de l’Etat Islamique en Irak et l’épidémie d’Ebola.

 

Des milliers d’Africains ont été affectés par l’éruption d’Ebola et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclaré que la manifestation actuelle d’Ebola est une urgence de santé publique d’intérêt international[2]. Des conditions sociales fondamentales dans les pays affectés auraient pu éviter beaucoup de victimes, et le fait qu’Ebola a pénétré dans des régions à forte densité de population a aggravé la situation parmi la population. Entre-temps, le travail du Comité de sécurité sanitaire de l’UE s’est focalisé davantage sur la prévention à l’intérieur de l’UE par des mesures telles que l’évacuation médicale, l’équipement de structures hospitalières de l’UE pour répondre à des cas éventuels en Europe et des conseils aux voyageurs, plutôt que sur l’aide économique, la prévention et le traitement. Davantage d’aide économique, de moyens médicaux et de personnel qualifié sont nécessaires sur le terrain dans les pays affectés pour éviter de nouvelles infections.

 

Entre-temps, les médias ont pratiquement ignoré les négociations récentes entre l’Afrique et l’Europe à propos des Accords de partenariat économique (APE). Les APE auront des conséquences dramatiques pour la population africaine, mais il semble que cela ait moins de pertinence pour les autorités européennes. Sous la menace de restreindre l’accès de nombreux pays africains au marché européen, beaucoup d’entre eux ont accepté les conditions abusives imposées par l’Union Européenne. Des régions comme la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont conclu leurs négociations en juillet et la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) a repris les négociations en septembre pour conclure l’APE malgré des questions non résolues comme les taxes à l’exportation, les subsides domestiques et à l’exportation et ce qu’on appelle ‘non-tariff barriers’.

 

La société civile, tant en Afrique qu’en Europe, a dénoncé les conséquences négatives de tels accords qui garderaient les pays africains dépendants de l’exportation de leurs matières premières. Ils lieront aussi les mains des gouvernements africains pour stimuler leur industrie qui créerait des emplois mieux payés et réduirait les inégalités parmi la population. Ce qui est plus alarmant, les APE pourraient miner la souveraineté alimentaire des pays les plus pauvres. Dans un continent où 60% de la population travaille dans le secteur agricole et en tire sa subsistance, les APE risquent d’appauvrir les producteurs et de causer, entre autres, des impacts négatifs sur l’environnement. Il semble plus probable que les gagnants des APE seront des sociétés européennes qui peuvent augmenter leur part de marché tandis que les APE ignorent le potentiel de crises alimentaires parce que les producteurs locaux pourraient être compressés par des importations d’aliments à bas prix.

 

La communauté internationale est inquiète de la crise humanitaire d’Ebola mais, paradoxalement, des communautés développées comme l’UE ignorent les conséquences de l’imposition de leur pouvoir économique via les APE, qui ont des chances de perpétuer le sous-développement en Afrique. Les APE vont très probablement maintenir l’Afrique dans sa position de fournisseur de ressources pour les marchés européens, que ce soit à partir de l’exploitation minière (minerais) ou de l’agriculture (produits alimentaires, agro-carburants). Ceci empêche les économies africaines de stimuler le développement économique qui, à son tour, permettra d’améliorer les services sociaux et les conditions sanitaires. Nous pourrions alors nous demander si l’UE se préoccupe réellement du peuple africain ou si elle poursuit son propre intérêt dans sa politique commerciale et sa réponse à la crise d’Ebola.

 

Depuis de nombreuses années maintenant, des flux nombreux de migrants africains essaient d’arriver en Europe. Des gens qui ont quitté leurs familles et leurs foyers, parce qu’ils n’ont pas d’alternative dans leur pays pour trouver un emploi, ou simplement des gens qui fuient la pauvreté, la faim et les conflits armés. De nouveau, l’Europe se sent menacée par l’instabilité de l’Afrique. Nombreuses sont les causes de l’instabilité en Afrique et nous ne pouvons pas blâmer uniquement l’Europe pour la responsabilité de cette situation. Cependant, l’Europe a la possibilité d’aider les Africains si elle veut bien modifier les APE pour un accord économique réellement bénéfique aux deux parties.

 

Les pays africains ont fourni de nombreux efforts au cours des dernières décennies pour renforcer leur démocratie, pour développer des systèmes économiques attentifs à leurs réalités, pour créer une industrie naissante et pour améliorer les services sociaux fondamentaux comme les systèmes sanitaire et d’éducation. Ils ont lutté contre la corruption et, dans certains pays, ils ont dû surmonter des conflits armés. L’Afrique a aussi dû traiter avec les conséquences de la pauvreté causée par de nombreuses années de soumission économique à d’autres pays.

 

La visite du Pape François au Parlement Européen est une opportunité pour revendiquer le rôle de l’UE comme une institution qui veut reconnaître la dignité de toutes les personnes et qui veut créer plus d’égalité entre les nations. Comme Jésus, AEFJN veut revenir au temps ordinaire avec la joie de travailler avec Dieu pour servir le Royaume de miséricorde et de vérité, de justice et de paix, parce que, même aujourd’hui, Jésus est dans nos vies et qu’il parcourt les réalités de la vie ordinaire pour atteindre tous, en commençant par les derniers. « Jésus parcourait toutes les villes et les villages, …et voyant les foules, il fut pris de pitié pour elles, parce qu’elles étaient harassées et prostrées » (Matthieu 9, 35-36).

 

Finalement, AEFJN veut se souvenir dans nos prières des sœurs Olga Raschietti, Lucia Pulici et Bernadetta Boggia, trois missionnaires Xavériennes de Marie, qui ont perdu la vie pendant leur mission au Burundi comme un témoignage de la miséricorde de Dieu en Afrique.

 

Jose Luis Gutierrez Aranda

AEFJN Policy Officer

Go back