1502 Economie d'inegalites et inegalites de l’économie

Conférence de Berlin

La récente adresse du Saint-Siège au troisième Forum sur les entreprises et les droits de l’homme est très pénétrante. Elle souligne que les êtres humains avec leur dignité et leurs droits doivent être au centre de toutes les activités des entreprises. Alors qu’il est bon que les entreprises poursuivent leur profit légitime, ce devrait être fait avec une considération égale pour le bien commun et les principes et les normes des droits humains universels. Dans la même veine, Amnesty International identifie les droits humains comme un fondement indispensable pour un agenda de développement après 2015 vraiment transformant. Ce sont des observations importantes suite aux accaparements massifs de terres qui ravagent l’Afrique et aux accords commerciaux obtenus ‘à la force du canon’ entre l’Europe et les divers blocs économiques de l’Afrique. Chacun d’eux est une violation des droits des peuples africains à la terre et à l’autodétermination.

 

Les violations des droits humains sont devenues une décimale récurrente dans les relations économiques entre l’Afrique et l’Europe, mais il semble que la structure fondamentale ait été posée solidement à la conférence de Berlin. Les deux motifs de cette conférence (l’appétit de l’Europe pour l’exploitation des ressources naturelles et du marché de l’Afrique) ont été satisfaits sans le consentement des peuples africains ni la considération de leurs besoins légitimes. Ensuite, le développement de l’U.E. et les politiques commerciales en relation à l’Afrique ont consisté simplement à mettre en valeur ces deux objectifs avec les différents programmes de développement, activités et aides. Et jusqu’à ce que ce besoin légitime des Africains du droit à la terre et du contrôle de leurs ressources soit considéré également dans ses relations économiques avec l’Europe, cette structure économique fondamentale restera bon gré mal gré un outil viable pour la violation de leurs droits humains.

 

Ceci est absolument évident dans les activités du projet de ²Dominion Farms² dont on parle à cause de son accaparement de terres dans le Nord-Est du Nigeria. Bien que la société Dominion soit essentiellement d’origine américaine, l’U.E. est impliquée parce que le projet de ferme fait partie de la Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique, basée au Royaume-Uni. Il est difficile de concilier comment l’U.E. désire la sécurité alimentaire pour l’Afrique mais, qu’en même temps, elle aide une entreprise qui appauvrit les gens et qui prend leur terre sans leur consentement. Une chose que l’U.E. doit encore considérer sérieusement dans ses politiques de développement, c’est la relation psychologique et religieuse-culturelle de l’Afrique à la terre. Celle-ci n’est pas uniquement une propriété qu’on peut acheter, louer ou vendre en Afrique ; notre conviction, c’est que nous appartenons à la terre. C’est pourquoi la terre a le statut d’une divinité, objet de culte dans la pensée religieuse traditionnelle de l’Afrique. Ainsi, déposséder un Africain de la terre sans son consentement, c’est le priver du droit de vivre dans la société humaine et, à mon avis, c’est la violation absolue des droits humains.

 

Récemment aussi, un parlementaire européen allemand qui ne pouvait contenir sa déception sur la manière dont la transaction A.P.E. a été négociée entre l’U.E. et l’Afrique orientale la décrivait comme un accord commercial ²à la force du canon². Des experts comme Liz May et Andrew Mold qui sont respectivement le chef de la politique à Traidcraft et l’analyste économique des Nations unies pour l’Afrique orientale, ont repris la remarque de l’honorable parlementaire. Avant la date limite d’octobre 2014 pour la signature des A.P.E., les peuples d’Afrique avaient exprimé leur désapprobation de l’accord commercial mais il est clair que l’U.E. ne l’’avait pas enregistrée puisqu’elle est allée de l’avant comme elle l’avait programmé, bien qu’en secret. Peut-on considérer qu’un accord sans consentement est un accord valide ? Le dernier bloc qui doit tomber complètement sous l’accord commercial de l’U.E. à la force du canon est la CEDEAO, avec le Nigeria dans le chemin. Mon calcul est que le refus de l’U.E. de donner un soutien adéquat au Nigeria dans sa lutte contre la menace de Boko Haram est davantage un stratagème économique pour forcer le Nigéria à endosser l’A.P.E. qu’une violation des droits humains des militaires nigérians comme le dit le Royaume-Uni. Par-dessus tout, une question des agriculteurs de la CEDEAO demeure très valide : si l’U.E. accordait tant d’importance à des accords de libre-échange, pourquoi les refuserait-elle avec les Etats-Unis ? Pourquoi se retournerait-elle pour les imposer à l’Afrique ? Tout le scénario présente un refus délibéré de reconnaître le droit des peuples africains à l’autodétermination.

 

Chika Onyejiuwa

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