1505 Indignation sélective ?

Le premier trimestre de 2015 a été marqué par des désastres en mer Méditerranée. Plusieurs vaisseaux transportant des migrants en quête d’un avenir meilleur ont coulé, laissant à peine quelques survivants. Le nombre de victimes va croissant et, selon l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM), le nombre de morts est déjà 30 fois plus élevé que l’an dernier pendant la même période[1]. Malheureusement, des images de tels désastres en mer Méditerranée sont récurrentes depuis le début des années 2000.

 

La réponse politique standardisée à ces crises, au long des années, de la part de l’UE et de ses états membres, est de renforcer les contrôles aux frontières. Une fois de plus, les chefs d’états de l’Union Européenne se sont précipités pour passer à l’action, et le plan en 10 points de l’UE pour traiter la crise se focalise A NOUVEAU essentiellement sur le renforcement de la sécurité aux frontières, tandis qu’on accorde peu ou pas d’attention aux causes actuelles de la migration, comme les crises politiques et humanitaires, la pauvreté et l’inégalité. Dans le passé, la sécurité renforcée aux frontières a mené à une diversification des routes de migration et des tactiques par les contrebandiers et ces mesures n’ont pas endigué la migration. Aussi faudrait-il accorder plus d’attention à des politiques globales qui s’attaquent à la pauvreté et à des relations commerciales déséquilibrées, aussi bien qu’à des efforts accrus pour la construction de la paix et la restauration des économies et des sociétés.

 

Suite aux naufrages près de Lampedusa en 2013, AEFJN[2] a aussi appelé les décideurs politiques de l’UE à accorder plus d’attention aux causes réelles de la migration : crises politiques, violence, faim, pauvreté répandue, changement climatique, difficultés économiques, manque d’opportunités économiques et inégalité croissante. Par exemple, le modèle économique promu par des donateurs et solidifié dans des accords commerciaux impose aux pays africains une gouvernance économique qui maintient le continent dans sa position de pourvoyeur de produits tropicaux pour les marchés industriels et de fournisseur de matières premières pour les industries européennes. De plus, les traités commerciaux facilitent souvent l’inondation des marchés africains par des produits agricoles européens à bon marché parce qu’ils sont subsidiés, qui écrasent les producteurs locaux de denrées alimentaires, tandis que les traités commerciaux empêchent les gouvernements de garder chez eux les matières premières pour les transformer, en créant une valeur ajoutée et en soutenant les industries naissantes.

 

Nous partageons l’indignation des chefs européens au sujet du dernier désastre en Méditerranée, cependant, nous espérons sincèrement qu’ils éprouveront la même indignation lorsqu’ils analyseront leurs politiques économiques vis-à-vis des pays en voie de développement. Par exemple la loi proposée, basée sur un cadre volontaire adopté par le comité de commerce international (INTA) du Parlement Européen sur les minerais de conflit, n’a aucune chance de briser le lien entre conflit et extraction de minerais, qui a causé des millions de réfugiés en Afrique. En RDC l’insécurité continuelle chasse beaucoup de personnes de la région orientale, pendant que les minerais de cette région continuent à alimenter les chaînes d’approvisionnement des sociétés européennes. Il faut davantage d’ambition pour nettoyer les chaînes d’approvisionnement des sociétés, et une législation contraignante doit être mise en place. La même chose vaut pour les chaînes d’approvisionnement agricoles : des sociétés occidentales sont en train d’acquérir de vastes étendues de terre africaine en vue de fournir des produits agricoles aux marchés industriels ; ceci déplace des communautés rurales en Afrique, ajoutant ainsi au problème de la migration forcée.

 
Gino Brunswijck
Chargé de plaidoyer AEFJN

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