La moralité et le développement de l’Afrique

Le continent africain a mené des batailles puissantes, se faisant le champion de la cause de la liberté, refusant d’accepter une position de servilité envers ceux qui ont exercé sur lui le pouvoir politique en réduisant sa population au niveau d’ouvriers non spécialisés. Ainsi, en vertu de nos victoires obtenues moralement, la conscience et la puissance morales qui mènent à la justice et à la droiture devraient être au cœur de l’agenda africain et pénétrer tout notre travail. Cependant les Africains continuent à souffrir même dans les mains de leurs propres parents et amis, qui devraient les conduire à une vie meilleure. Nos dirigeants devraient décidément s’abstenir de blâmer le passé pour nos maux et accepter sans équivoque la responsabilité de changer le paysage social de l’Afrique. Ceci ne veut pas excuser ces forces globales qui continuent à frapper le continent, en le voyant comme une proie à dévorer.

 

Je suggère que le problème de l’Afrique est la capacité morale de faire ce qui est juste pour l’Afrique. Je pose la question aux dirigeants futurs et contemporains des Eglises : le christianisme a-t-il quelque chose à offrir pour résoudre cette impasse morale ? Quelle puissance morale doit infiltrer l’Afrique pour que l’Afrique trouve sa vie ? Le défi est de donner à Jésus la voix et la personnalité qui soient reconnaissables comme apportant le salut à l’Afrique. En Lui nous devons voir Dieu incarné en Afrique. Nous avons tenté de rendre l’Eglise plus acceptable par l’Afrique (adaptation de la liturgie), sans avoir également essayé de traiter efficacement la question de l’incarnation du Christ en Afrique. C’est lorsqu’il s’engage dans nos luttes et nous met face à des choix de vie difficiles que l’incarnation commence à prendre racine. L’Afrique peut-elle faire écho aux paroles du Christ « Je ne suis pas venu pour détruire mais pour accomplir » ? Les affamés et les pauvres en Afrique demandent : « Es-tu venu pour nous aussi ? » Sinon, pourquoi les puissants exultent-ils dans la richesse de notre pays au point de l’étaler même devant nous avec un tel dédain et une telle impunité ?

 

La crise de l’Afrique est le déclin de la conscience morale qui rend moribonde la responsabilité de rendre des comptes. Au cœur de l’appel à la renaissance africaine, réside la conviction que le renouveau de l’Afrique est lié au renouveau de son peuple, de ses institutions et de son estime de soi. Ce renouveau doit être effectué par les propres enfants de l’Afrique ; il ne peut être importé d’autres nations. Il est lié à la nouvelle compréhension et affirmation de soi par les Africains. Il appelle les chrétiens à dire si l’Esprit-Saint qui donne pouvoir est disponible aux Africains différemment d’autres peuples du monde.

 

Stephen Bantu Biko a maintenu jusqu’à son dernier soupir que l’Afrique a quelque chose de beau pour lequel le monde est dans l’attente. Et ce don, c’est UBUNTU, une appréciation unique de ce que signifie être humain, qui a aussi inspiré Mandela et Desmond Tutu. La fidélité à ce don exige que nous rejetions les classifications faites par l’homme de différentes races et différents groupements ethniques, pour embrasser et affirmer  le fait de l’unité de la race humaine. C’est à partir de cette réalité que le but social du ‘bien commun’ a du sens. L’Afrique doit affirmer que le vrai bonheur durable ne peut exister quand d’autres souffrent; il n’advient qu’en servant les autres, en vivant en harmonie avec la nature. Ceci doit être le mantra du témoignage chrétien en Afrique.

 

Une chose peut-être encore plus interpellante est la rigidité avec laquelle le continent s’enferme derrière le statut de « souveraineté » des nations et des pays, même si elle sait que son peuple est en train de mourir à l’intérieur de sa souveraineté et qu’il appelle à l’aide. Si réellement nous avons un potentiel de trouver une nouvelle signification à ce que signifie être humains ensemble dans l’idéal d’UBUNTU, ceci ne devrait-il pas former le centre de la conversation entre nous tous, quelle que soit l’affiliation religieuse, pour élaborer une base morale à partir de laquelle nous pourrions nous demander mutuellement de rendre compte de notre vie commune ? L’Afrique, et ses nations individuelles, ne surmontera pas ses problèmes sans avoir logé quelque part une puissance morale qui infiltrera le continent entier. Cette puissance morale sera aussi énergique pour embrasser tous dans le noyau de l’être, et sera enchâssée dans ses myriades de religions. 

 

Pris de « Morality and Africa's Development » (moralité et développement de l’Afrique) par Rev. Dr. Mvume Dandala

 

 

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