La responsabilité sociale des entreprises
Définition
La Banque Mondiale définit la responsabilité sociale des entreprises (RSE) comme « l'engagement des sociétés d'affaires à contribuer au développement économique durable en travaillant de concert avec les employés, leurs familles, la communauté locale et la société au sens large pour améliorer leur style de vie dans des voies qui sont propices aux affaires et au développement. »
En d'autres mots, les compagnies acceptent la législation, les normes éthiques et les règlementations internationales. L'impact sur l'environnement, les consommateurs, les employés, les communautés, les responsables et autres agents de la sphère publique est à considérer dans la responsabilité du monde des affaires, tout autant que les bénéfices économiques des actionnaires. De plus, les affaires encouragent l'intérêt public par la croissance et le développement des communautés et par le refus de pratiques néfastes à la sphère publique, sans tenir compte de la légalité. En clair, la RSE est l'inclusion de l'intérêt public dans la prise de décision collective.
De quoi s'agit-il ?
Dans un monde idéal, les compagnies transnationales (CTN) adhéreraient spontanément à la RSE. La réalité est malheureusement différente et, en général, les CTN ne prennent qu'une chose en considération : le profit maximum.
Il y a quelques jours à peine, on a découvert que la compagnie pétrolière Trafigura a répandu en 2006 des tonnes de déchets pétroliers dans la capitale ivoirienne Abidjan, même si elle connaissait la haute toxicité ainsi que le risque sanitaire élevé de ces déchets. 16 personnes au moins sont décédées, empoisonnées par ces déchets et plus de 30.000 ont été intoxiquées. Trafigura a toujours publiquement affirmé que ces déchets étaient inoffensifs alors qu'elle savait pertinemment que ce n'était pas vrai. Des courriers électroniques internes qui sont ensuite entrés dans le secteur public soulignent le désengagement entier de Trafigura pour les conséquences de son action, manière la plus économiquement rentable de se défaire des déchets toxiques, sans attention aux conséquences sur la santé des humains et sur l'environnement.
Les CTN peuvent être contraintes à accepter leur responsabilité sociale de deux manières ; l'une est par le biais des lois, qui les obligent à agir ainsi. Malheureusement tant au plan européen que national, presque rien n'a été entrepris pour rendre les CTN responsables pour leurs actions à l'étranger. L'autre emprunte les campagnes des ONG et autres acteurs de la société civile qui font connaître ces comportements. Cette publicité autour de la connaissance et du bannissement de ces sociétés les amène souvent à changer de comportement pour revenir à une application plus suivie de la RSE ; elles considèrent ce mal moindre que l'autre qui les mène à une publicité dans la critique sévère de leurs activités, ce qui peut s'avérer dommageable pour leurs affaires.
Pourquoi devons agir ?
Plus de la moitié des 100 plus grandes compagnies transnationales non-financières a son siège dans l'Union européenne. La trame légale actuelle qui permet qu'une compagnie ait une structure qui sépare les personnes légales et ainsi la responsabilité de la compagnie mère pour ses filiales ne lie pas ces CTN pour les violations des droits humains, pour la destruction de l'environnement dans les pays du tiers-monde et ne les oblige pas à mettre en place des mécanismes de prévention pour empêcher ces abus. Des mesures condamnant ces pratiques seraient très intéressantes pour les pays tiers, là où les institutions locales sont fragiles ou absentes ou là où le gouvernement ne peut ou ne veut pas agir.
Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, le Professeur John Ruggie, amené à s'exprimer sur la question des droits humains , les sociétés transnationales et autres entreprises commerciales, a invité , dans son rapport sur cette question, les pays d'origine de prendre régulièrement des mesures pour empêcher les abus de leurs compagnies dans les pays étrangers.
La focalisation sur les ressources naturelles
Un des domaines dans lequel les CTN ont manifesté une attitude très négligente vis-à-vis des impacts de leurs actions sur les populations africaines, est malheureusement celui de l'exploitation des ressources naturelles, la RSE va donc lui donner un accent particulier. Le désir de contrôler les profits économiques générés par les ressources naturelles est la raison majeure de plusieurs conflits en Afrique et tout particulièrement dans la RD Congo. Les CTN n'ont pas souvent enquêté pour savoir que leur argent aboutissait dans les poches des groupes armés et alimentait et prolongeait donc les conflits. Des recherches ont ainsi montré que la compagnie enregistrée au R-U, Afrimex, qui fait le commerce des minéraux provenant de la RDC par le biais de deux compagnies enregistrées en RDC, n'a rien entrepris pour empêcher ses affiliés de financer les groupes rebelles de la RDC durant la guerre. Elle a donc contribué à ce conflit et a bénéficié des activités criminelles de ses affiliés. On a découvert aussi qu'une autre compagnie britannique, l'Amalgamated Metals Corporation (AMC) avait un substitut qui achetait les minerais auprès de vendeurs dont les intermédiaires faisaient le commerce avec des groupes armés du Sud Kivu.
Une raison supplémentaire de se pencher plus particulièrement sur les ressources naturelles, c'est l'initiative de l'UE sur les matières premières, lancée en novembre 2008. Un des fondements de cette initiative c'est l'amélioration de l'accès de l'UE aux matières premières des pays tiers. Dans ce but, l'UE envisage de poursuivre une diplomatie des matières premières pour s'assurer d'y accéder dans les pays tiers. L'UE veut aussi donner la priorité à l'accès aux matières premières et secondaires dans sa politique commerciale. En d'autres mots, l'UE prétend ajouter dans ses accords commerciaux des clauses qui facilitent son accès aux matières premières des pays tiers. L'UE veut surtout le faire dans les secteurs des accords commerciaux qui traitent des services et des marchés publics gouvernementaux. Dans le cas des relations commerciales entre l'UE et l'Afrique, ceci apparaît dans les négociations vers les Accords de Partenariat Economique (APE). Comme le souligne la Commission (CE), elle veut insérer des règles dans les accords, qui garantissent aux grandes compagnies (européennes) la même possibilité d'accès aux matières premières qu'aux compagnies locales (africaines). Elle veut forcer les gouvernements des pays tiers à accepter des règles communes pour l'acquisition du droit d'exploitation des mines et pour les revenus ainsi générés.
Ce type de mesures pourrait réduire l'espace politique des gouvernements africains s'ils acceptent ce type de négociations. Ils ne pourraient plus, dans ce cas, avantager les compagnies locales par rapport aux CTN européennes qui sont en général mieux équipées et ont accès à davantage de ressources, ce qui les met en position compétitive avantageuse.
Thomas Lazzeri