Le changement climatique, ou le défi sociopolitique du siècle

Le climat est un facteur à la fois cause et conséquence de perturbations des écosystèmes. L’usage et la gestion des ressources naturelles (air, eau, terre, faune et flore) par l’homme influencent grandement ce climat et le bien-être de milliards de personnes. Selon que ces ressources sont considérées comme bien public (ou bien commun universel) ou, à l’opposé, commodité privatisable et commercialisable, et que l’on envisage la solidarité et l’équité comme une donnée de base ou une option, l’engagement pour contrer le changement de climat aura des effets très différents.


Les responsables politiques de ce monde négocient pour les citoyens de la terre un accord de climat. Qu’est-ce à dire ? Des comités d’experts scientifiques, politiques (des services publics et privés)  se retrouvent en petits groupes de travail : climat et environnement, climat et forêts, climat et etc …. En novembre 2010, les responsables politiques se retrouvent à Cancún pour définir les deux axes de cet accord : réduire les émissions de Gaz à effet de serre (GES) et mobiliser des fonds pour aider les pays en développement à l’adaptation. Ils vont déterminer les engagements politiques qui affecteront l’industrie, le transport, l’agriculture, l’énergie, tous éléments constitutifs de l’économie.  Ils vont aussi définir les fonds et les modalités de transfert. C’est dire, si les négociations sont sous pression.

Car le modèle de développement occidental, suivi aussi par les autres pays, se base sur la croissance économique consommatrice des ressources naturelles et d’énergie essentiellement carbonique (pétrole, charbon et gaz naturel). Or la seule solution pour réduire les dégâts environnementaux dûs au changement climatique est d’en réduire la cause, c’est-à-dire de réduire les émissions de GES. Et la consommation individuelle et collective des ressources et d’énergie est en relation directe avec le mode de vie. C’est là le nœud du problème. Tout le monde approuve la nécessité de réduire les émissions de GES, mais peu sont prêts à réduire leur confort pour les uns et à se priver du droit au « développement » pour les autres !

25% des GES sont imputables à la production d’énergie, 20% à la déforestation. La part d’émissions   causée par la production alimentaire est passée de 17 % à 32% ces dernières années, ce qui interroge nos politiques européennes de commerce et d’agriculture. Les pays industrialisés émettent à ce jour 5 fois plus de GES  et consomment 6 fois plus d’énergie (en équivalent pétrole) que les pays en développement. (Source : IEA, 2005) L’Afrique contribue pour 4% des émissions GES mondiales alors que sa population représente 14 % de la population mondiale (ONU, 2007) ; l’UE (27 pays) contribue pour 14,2%  des GES mondiaux, pour 11,3% de population mondiale.[1]

 

La crise climatique est le symptôme

d’une profonde crise sociale et environnementale qui a atteint ses limites. [2] 

 

Sunita Narainis, directrice du Centre pour la science et l’Environnement de New-Delhi, affirme que nous n’avons d’autre choix que d’agir et de partager les ressources communes de la planète. « L'équité est une condition préalable pour l'efficacité de l’accord sur le climat » dit-elle. C’est sans compter sur les (énormes) réticences du Nord très créatif en termes d’outils que l’on pourrait appeler « action minimale pour un bénéfice maximal».

 

Deux fausses solutions : les biocarburants et la capture et l’enfouissement du carbone

Les biocarburants (voir autres articles sur notre site) sont une fausse solution parce qu’ils soutiennent la consommation du secteur du transport et par là, un système économique qui ne tient pas compte de ses impacts environnementaux et sociaux. C’est un modèle de développement où le commerce prédomine avec un système de production tel que les étapes du processus sont divisées et dispersées à travers le monde et contrôlées par des monopoles, et où la valeur marchande (valeur d’échange) prévaut sur la valeur d’usage.

 Les pays industriels encouragent la capture et l’enfouissement de carbone. Cela ne suffit pas, il faut réellement changer nos modes de vie pour réduire les GES. De plus, ce procédé comporte des risques.

 

Des outils biaisés : les fonds d’aide et les technologies d’adaptation

Les pays industriels mettent en avant l’aide à l’adaptation via les fonds de financement et le transfert de technologies plutôt que les mesures d’atténuation et la réelle réduction des émissions de GES.

Certes une aide est bienvenue puisque l’on estime que le coût de l'adaptation en Afrique pourrait se situer entre 5 et 10 pour cent du PIB continental, c’est-à-dire au-delà des moyens des pays africains.  Et la sécurité alimentaire de bon nombre d’africains est déjà menacée par le changement climatique. Mais quelle aide met-on en place? Encourage-t-elle ou masque-t-elle les vraies solutions ?

D’un côté, les pays riches contrôlent ces fonds en mettant en place certains mécanismes de paiement, et de l’autre, ils promeuvent les technologies pour l’adaptation aux effets du changement de climat dont ils sont «propriétaires» par les Droits de Propriété Intellectuelle (DPI).

Les DPI liés aux technologies sont un réel obstacle pour les pays en développement par les coûts qu’ils engendrent. Sans compter le débat moral derrière cette pratique. Or le manque d’infrastructures en Afrique pourrait devenir un avantage parce qu’il permettrait le « saut technologique » direct dans des sources d’énergie, des modes de transport et des infrastructures industrielles peu énergivores et non  polluantes.

A Copenhague, l’UE a annoncé qu'elle allait fournir 7,6 milliards de dollars de financement à court terme pour la première année, mais elle ne sait pas encore si ce sont des fonds nouveaux et supplémentaires ou s’ils seront prélevés dans l'aide publique aux pays en développement !

La majorité des projets financés par le « Mécanisme de Développement Propre » (MDP) n’a jusqu’à ce jour pas produit de réelle réduction de GES, ni contribué positivement au développement. L’effet pervers de ces MDP est que les gouvernements du Sud sont découragés d’investir dans des projets valables mais qui ne seraient pas soutenus financièrement par le MDP.

Les certificats (RTRS pour le soja, REDD+ pour la forêt) masquent les vrais problèmes et sont dans nombre de cas «  manipulés » au dépend des populations locales menacées, voire des objectifs annoncés. Un bémol toutefois, ils ont le méritent d’ouvrir le débat, ainsi le certificat FSC (pour la gestion des forêts) a encouragé les entreprises à prendre en compte les conditions de travail et la gestion des conflits d’usage des terres et des ressources.

Le summum est l’invention des « quotas d’émissions » pour amoindrir la facture de réduction de GES des industries en place. Ils participent à un marché d’échange de « droits de polluer ».

 

De véritables solutions : réduire les GES, relocaliser la production et adopter une agriculture durable

Parmi les solutions réelles, les priorités sont :

  1. Réduire les émissions de GES de manières durables, efficaces et équitables
  2. Relocaliser la production pour réduire les chaînes production-consommation
  3. Adopter des pratiques agricoles favorables au cycle de l’eau, à la régénération des sols et à l’absorption de CO2, à la diminution des émissions de N2O (dues aux engrais azotés et aux élevages intensif hors-sol de ruminants) et au bien-être de l’homme. L’agro-écologie[3] refait surface.

 

Ces solutions rejoignent les revendications des organisations des agricultures familiales.

 

Cela revient à revoir nos modes de vie, nos valeurs et nos priorités et à reconnaître comme premier le bien commun que sont les ressources eau[4], terre, air, faune et flore. Plus vite ces priorités seront adoptées, mieux nous éviterons les catastrophes climatiques, environnementales et humaines.

 



[1] Statistiques publiées par le Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer français

[2] « A ‘just’ climate agreement: the framework for an effective global deal”, Sunita Narain, chap.9 dans ‘Global sustainability - A Nobel Cause’, 416 pages, Cambridge University Press, 2010.

[3] L’agroécologie utilise les interactions entre plantes et animaux à l’intérieur d’un agroécosystème pour réduire les risques de pullulations ou d’infestations, plutôt qu’essayer de les faire disparaître, et augmenter les rendements.

[4] Un porte-parole de la CE a déclaré en avril 2010  que l’eau est une «marchandise comme toute autre chose».  AEFJN réagit.

Pour une justice climatique

AEFJN soutient la campagne «justice climatique» parce que le changement climatique est déjà une réalité dans les pays africains : saisons perturbées, inondations et sécheresses exceptionnelles et récurrentes.

 

L'augmentation des températures menacent l'agriculture, et donc aussi la sécurité alimentaire et les ressources économiques.

 AEFJN concentre son attention sur 2 points principaux:

1. Soutenir la voix des peuples africains et transmettre à nos gouvernements de l'UE leurs revendications.

2. Faire pression pour une approche fondée sur les droits et la coopération avec les acteurs de la société civile dans les accords pour les soutiens financiers et le transfert de technologie.