Un système de propriété qui protège les biens communs

(terre, eau, forêts)

 

Vinoba Bhave, le successeur spirituel de Gandhi, était préoccupé par l’inégalité de la distribution des terres, qui empêchait ceux qui n’avaient pas de terre de construire des maisons et de gagner leur vie. Pour répondre à ce souci, Vinoba voyagea de village en village pour demander à ceux qui avaient plus de terres qu’ils ne pouvaient en utiliser de partager cette terre avec leurs frères et sœurs dans le besoin. Beaucoup de ceux qui possédaient des terres en excès allouèrent des titres à Vinoba, qui les alloua aux pauvres. Une grande partie de la terre de l’Inde fut redistribuée de cette façon. Mais sans outils pour travailler la terre ni capital pour bâtir, la terre restait inutilisée. Les nouveaux propriétaires revendirent leurs titres aux riches, en perpétuant le modèle de distribution inégale. Aussi Vinoba introduisit une nouvelle pratique où le titre pour la terre était transféré au village, plutôt qu’à des personnes individuelles, ensuite la terre était louée pour un usage productif. Si le locataire quittait la région, les droits d’usage revenaient au village pour une redistribution. Ceci mena à une initiative pacifique de réforme agraire en Inde.

 

L’économie est le lieu où le travail humain transforme le monde naturel en produits pour leur utilisation par d’autres. Toute production requiert l’accès à la terre et aux ressources naturelles ; cependant, ce qui crée la richesse est plutôt la transformation de ces ressources en produits dont d’autres ont besoin. La terre et les ressources naturelles sont la base, les données d’un système économique, mais elles ne sont pas elles-mêmes des marchandises appropriées. Quand la terre et les ressources naturelles sont traitées comme des marchandises et font l’objet d’un commerce sur le marché, comme dans notre système actuel, un déséquilibre se produit dans l’économie. Quelques personnes peuvent alors profiter du besoin de tous d’accéder à la terre. Aucune nouvelle richesse n’est générée, rien qu’une valeur spéculative avec toutes les conséquences d’une économie spéculative, qui inclut l’inégalité sociale et la dégradation écologique.

 

Aujourd’hui, ‘community land trust (CLT)’ [société pour le terrain de la communauté] est un des outils que des citoyens utilisent pour mettre en œuvre une nouvelle économie qui répond aux critères sociaux, écologiques et culturels. Une société pour le terrain de la communauté est une forme de propriété pour le bien commun avec une charte basée sur les principes d’une gestion et d’un usage durables et écologiquement sains. C’est une association sans but lucratif, ouverte à l’adhésion, où les membres concluent un contrat social avec la communauté. Le conseil d’administration est élu d’entre les membres. Le but du CLT est d’acquérir du terrain par don ou par achat, de développer un plan de l’usage du terrain pour chaque site, d’après la nécessité sociale et les contraintes écologiques, et ensuite de louer ce terrain pour 99 ans. Les communautés de ce type ont démarré en 1967 à Albany, Georgia (USA) pour que des agriculteurs Afro-Américains obtiennent l’accès à la terre. Il y en a des centaines aux Etats-Unis, et le mouvement s’étend vers l’Europe et d’autres parties du monde. Le contrat de location spécifie un minimum de production et des méthodes naturelles de culture. Les locataires individuels sont propriétaires des bâtiments et d’autres améliorations du terrain créées par leur travail et leur investissement, mais ils ne sont pas propriétaires de la terre. Le CLT fournit un système de propriété qui protège les biens communs (terre, eau, forêts) en dehors des échanges économiques et il encourage une nouvelles éthique de la terre, car la terre est vue comme une communauté à laquelle nous appartenons, et ainsi elle est utilisée avec amour et respect.

 

Le mouvement de sociétés pour le terrain de la communauté a grandi lentement, en acquérant une zone à la fois. Faire advenir un niveau mondial de changement dans notre relation à la terre exigera une énorme croissance des avoirs fonciers communautaires. Cela nécessitera la disponibilité de personnes individuelles à donner du terrain en dehors du marché et de lui rendre sa juste place dans les biens communs. Le nouveau mouvement de sociétés pour le terrain de la communauté peut attirer des citoyens engagés, alarmés par la détérioration des conditions sociales et des écosystèmes en conséquence de la spéculation sur les terres et de l’agro-industrie, et qui reconnaissent l’injustice du système actuel de distribution des terres. En partant d’exemples localisés de dons de terrains, le CLT peut évoluer vers une large révolution culturelle en faveur des biens communs. 

 

Source : http://centerforneweconomics.org/e-newsletters/spinning-commons (en anglais)

 

 

 

 

 

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